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Dans la première partie de cette série, Licence de Synchro : qu’est-ce que c’est et comment ça marche?, nous vous avons donné un aperçu de ce secteur de l’industrie musicale, des droits et des redevances aux principaux acteurs. Si vous n’avez pas encore lu l’article, n’hésitez pas à le consulter pour découvrir les principes de base.

Dans ce suivi, nous allons approfondir la question de comment préparer votre musique à la synchronisation. Que vous écriviez de la musique dans le but d’obtenir des licences de synchro ou pour un projet d’artiste, il y a quelques étapes à suivre pour améliorer vos chances que votre musique soit licenciée.

Écrire pour la synchro

Pour commencer, il est important de comprendre que les possibilités de licences de synchronisation sont illimitées, ce qui veut dire que même les genres musicaux les plus nichés peuvent trouver leur place dans un placement de synchronisation si c’est le bon choix. Cela dit, il y a certaines choses que vous pouvez retenir lorsque vous écrivez de la musique qui pourraient vous ouvrir quelques portes de plus.  

Avant de commencer à écrire, concentrez-vous sur un thème puissant mais universel auquel la plupart des gens peuvent s’identifier d’une manière ou d’une autre, que ce soit une peine d’amour, une amitié ou autre. Pour qu’une chanson soit « synchronisable », elle doit résonner auprès d’un large public. Par exemple, une chanson sur l’autonomisation des femmes peut être utilisée pour une série dramatique pour adolescents, une publicité visant les mères qui travaillent ou une téléréalité sur les chefs d’entreprise de haut niveau.

Feelin’ It de Danger Twins a été utilisé pour une émission de téléréalité, une série dramatique et un film Netflix.  

N’oubliez pas que la musique doit soutenir l’histoire présentée dans le média visuel. Il est donc important que les paroles soient simples pour éviter toute contradiction avec le scénario présenté à l’écran. Mais simple ne veut pas dire générique ou ennuyeux. Votre défi est de trouver un moyen unique d’exprimer un sujet universel et de susciter l’émotion sans trop de détails ou de complexités. 

Vous vous demandez peut-être si les paroles/voix sont même nécessaires. Vous entendrez souvent des pistes instrumentales en synchronisation, mais ce sont généralement des chansons dont la voix a été retirée pour les besoins de la synchro ou des créations du compositeur interne de la production. Les superviseurs musicaux et les agents de licence recherchent généralement des pistes ayant à la fois une version vocale et une version instrumentale fortes. 

Dans certains cas, vous pouvez avoir accès à des guides qui détaillent les critères d’un placement synchro particulier. Les guides peuvent contenir des informations comme le type de projet (publicité, émission de télé, jeu vidéo), le genre souhaité, le sujet, le tempo et offrent souvent d’autres chansons en tant que référence. Ces renseignements vous aident à composer des chansons pour des projets spécifiques, mais il est parfois difficile de les trouver. Ils sont souvent obtenus grâce à une relation professionnelle ou sur des sites web de licence, comme TAXI, où l’on peut s’attendre à ce que beaucoup de personnes se battent pour la même place.

Produire pour la synchro

Une fois que vous avez écrit votre chanson aussi évocatrice que pertinente, il est temps de la produire. La production doit correspondre de près à l’émotion et au thème de la chanson, pour qu’elle puisse être utilisée seule comme version instrumentale ou comme un court montage de 15 secondes, ce qui est courant pour les placements synchro. Chaque élément doit être bien pensé et soutenir l’histoire que vous essayez de raconter. 

La dynamique est aussi cruciale pour les licences :votre chanson doit évoluer, avec de nouveaux détails introduits au fur et à mesure que vous créez de la tension et la relâchez. Cela permet non seulement de maintenir l’intérêt, mais aussi d’accompagner des moments comme les changements de scène ou tout autre transition possible à l’écran.

Au moment du mixage et du mastering, tous les décideurs clés en matière de synchronisation sont d’accord sur un point : le master final doit être de qualité professionnelle. Même si vous avez la chanson la plus accrocheuse et la plus « synchronisable » jamais écrite, elle ne sera pas licenciée si elle n’est pas conforme aux normes de l’industrie. La meilleure façon d’y parvenir est A) d’engager des ingénieur.e.s professionnel.le.s de mixage et de mastering (à moins, bien sûr, que vous ne soyez vous-même expert.e en la matière) et B) d’ajouter votre titre à une playlist avec d’autres chansons qui ont déjà obtenu une licence et de les comparer. La vôtre devrait s’intégrer parfaitement aux autres en termes de qualité.

Conseil : une fréquence de 48 kHz et une résolution de 24 bits devraient être utilisées pour la synchro. Ce n’est pas une règle officielle, mais c’est typiquement ce que l’on trouve en radiodiffusion.

Une fois la production terminée, il est fortement recommandé de demander à votre producteur.trice de vous envoyer tous les stems (sous forme de fichiers .wav), en plus d’un mixage final de la version instrumentale. Disposer des stems peut être très utile à l’éditeur.trice d’un placement synchronisé, car cela lui donne la possibilité de jouer avec la dynamique de la chanson ou de la réarranger pour l’adapter à la scène. Il se peut qu’on ne veuille utiliser que les voix ou enlever un élément du refrain. Il est aussi pratique d’avoir une version « propre » si votre chanson contient des gros mots. Ce sont des étapes simples qui augmentent vos chances en matière de synchronisation.

Préparation juridique pour la synchro

Comme nous l’avons mentionné dans la première partie, il est essentiel d’enregistrer vos chansons originales auprès de votre OPR (la SOCAN si vous êtes Canadien.ne). Avant cela, vous devez créer une feuille de partage, c’est-à-dire une entente entre les coauteur.trice.s indiquant le nombre de pourcentage détenu par chacune des personnes ayant travaillé sur la chanson. Ce document doit contenir des détails tels que le nom de la composition, le numéro OPR de chaque auteur.trice, les informations de l’éditeur.trice, s’il y a lieu, et les coordonnées de tout le monde.

Le fait de mettre cela par écrit (avec des signatures) vous protégera non seulement de tout problème juridique futur, mais c’est aussi  nécessaire pour la compensation des droits lorsque la chanson est licenciée. Le pire cauchemar des superviseurs musicaux est qu’un.e auteur.e-compositeur.trice ou un éditeur.trice surgisse et déclare qu’une chanson a été utilisée sans son autorisation. Croyez-nous, c’est une étape que vous ne devez pas manquer!

Si vous êtes le ou la seul.e auteur.e et que vous possédez 100 % du master (c’est-à-dire que vous n’avez pas de label et ne partagez la propriété avec personne d’autre), vous pouvez déclarer un « one-stop ». Cela signifie que, si quelqu’un souhaite accorder une licence pour une chanson, il n’y a qu’une seule étape à franchir pour obtenir les droits : vous seul.e pouvez signer à la fois la licence de synchro et la licence d’utilisation du master. 

S’il y a d’autres propriétaires que vous, vous pouvez toujours créer un accord « one-stop », dans lequel tous les propriétaires du master et de l’édition acceptent que vous représentiez tous les droits sur la chanson, pour que vous puissiez en autoriser l’utilisation sans leur demander.

Dans tous les cas, la conclusion est qu’il faut s’organiser le plus tôt possible avec tous les co-créateur.trice.s et les propriétaires afin d’être prêt lorsqu’une opportunité de licence de synchro se présente.

Métadonnées pour la synchro

La dernière étape, mais non la moindre, pour préparer votre musique à la synchro est celle des métadonnées. Ce sont les données intégrées à vos fichiers musicaux contenant diverses informations, notamment les données d’édition, les paroles, la date de sortie, le BPM et plus encore. 

Les métadonnées sont une pièce essentielle de la synchronisation pour plusieurs raisons. D’une part, les superviseurs musicaux et les agences de licence ont souvent de vastes catalogues de musique et dépendent donc des métadonnées pour leur fournir toutes les infos dont ils ont besoin lorsqu’ils autorisent une chanson. Ils ont également besoin d’un moyen rapide de parcourir leurs bases de données pour rechercher la bonne chanson pour leur projet. En incluant les paroles, les mots-clés (pensez aux tags thématiques) ou le tempo, vous les aidez alors à trouver votre musique plus facilement. Il arrive que des chansons restent dans un catalogue pendant un certain temps avant de se faire licencier, alors les métadonnées sont un outil d’information et de recherche utile à tous les partis 

Conseil : veillez à inclure vos coordonnées dans les métadonnées. Si on aime votre chanson mais qu’on ne sait pas comment vous joindre, on passera rapidement à la suivante!

Notez que les fichiers wav ne contiennent PAS de métadonnées, vous devez les intégrer dans une version mp3, c’est donc important d’avoir les deux types de fichiers pour chaque chanson. Pour ajouter des métadonnées à une piste, vous pouvez utiliser iTunes (maintenant connu comme Musique pour les utilisateurs Apple) ou des services tels que DISCO. Bien que DISCO exige un abonnement mensuel, il est largement utilisé par les personnes travaillant dans l’industrie de la synchro.

—Notes finales—

Il n’y a pas de règle en matière de licences de synchro. Avec la production et la distribution de tant de contenu visuel de nos jours, la demande de musique synchronisée ne fait qu’augmenter et il y a de nombreuses façons de s’impliquer dans l’industrie. Cet article propose quelques conseils solides pour vous aider à préparer votre musique et à partir du bon pied. Entre-temps, n’ayez pas peur de vous lancer et de commencer à construire votre réseau de synchro!

Texte écrit par Andria Piperni
Traduit par Maryse Bernard
Illustration par Yihong Guo