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Questions Rapides

Musique de film préférée? J’en ai deux : Drive et Interstellar

Un artiste qui vous obsède en ce moment? Goddard (Royaume-Uni)

Votre œuvre d’art préférée chez vous? Une peinture du Diable que mon père m’a offerte. Elle suscite des réactions mitigées, mais je l’apprécie. 

Rebekah Bergeron-Taillefer, diplômée de RAC, a parcouru un chemin créatif aux multiples facettes qui lui a permis de devenir productrice, ingénieure du son, artiste de scène, compositrice de films et écrivaine, entre autres. Elle décrit la musique non seulement comme une passion de toujours, mais aussi comme sa thérapie. 

Cette créatrice née à Montréal et basée à Vancouver nous a parlé de son passage à RAC, son évolution en tant qu’artiste et les hauts et les bas de sa carrière – des prix qu’elle a remportés aux problèmes de santé mentale qu’elle a dû surmonter. 

De ses racines à RAC

Dès son plus jeune âge, Rebekah a développé un lien profond avec la musique. Elle notait souvent les paroles des chansons qu’elle écoutait, apprenait à l’oreille les chansons au clavier et faisait même des mixtapes avec sa demi-sœur, dans lesquelles elles utilisaient un micro pour ajouter des commentaires entre les morceaux. À l’âge de 18 ans, elle s’est intéressée au hip-hop grâce à l’influence d’amis qui commençaient à enregistrer leur propre musique. « Je me suis retrouvée captivée par leurs sessions d’enregistrement et j’ai observé attentivement leur processus créatif », explique-t-elle. 

Malgré sa fascination croissante pour l’enregistrement et la production, elle admet que sa nature timide l’a d’abord empêchée d’essayer par elle-même. Mais après avoir déménagé en ville à l’âge de 24 ans et discuté sincèrement de sa passion avec sa mère, elle est passée par hasard devant une publicité dans le métro pour le programme Recording Arts Canada. « J’ai interprété cela comme un signe de poursuivre mes aspirations musicales », explique Rebekah. Elle décrit les raisons qui l’ont poussée à s’inscrire à RAC comme suit : « Mon amour pour la musique, mon désir de comprendre au-delà de ce que l’oreille capte et mon envie de trouver un moyen de participer à la scène musicale tout en gagnant un peu d’argent. » 

Explorer les arts

Quand on lui demande quelles sont ses plus grandes influences, Rebekah mentionne le hip-hop old school, le jazz, le blues, la musique classique, la musique électronique, le punk… « C’est un défi pour moi de mettre le doigt sur une seule influence, parce que je crois que tous les types de musique ont un impact sur moi », dit-elle. Cela est devenu encore plus évident lors de son passage à RAC. « J’ai apprécié l’exploration de divers styles de production dans différents genres musicaux », explique-t-elle. 

En plus de développer ses compétences en tant que productrice, Rebekah a commencé à expérimenter l’art visuel sur la scène montréalaise de musique électronique, en particulier dans les communautés dubstep et DnB (drum and bass). « Plusieurs de mes amis étaient DJs et producteurs, alors j’ai commencé à assister régulièrement à leurs shows. Lors de l’un de ces événements, j’ai rencontré un ami qui était responsable des projections visuelles et de l’éclairage. Il m’a gracieusement invitée à le rejoindre et, sous sa direction, j’ai appris de précieuses compétences. Finalement, elle a commencé à créer des œuvres d’art visuel et à gérer ses propres événements, s’engageant dans une aventure passionnante à l’intersection de la musique et de l’art.

Percer dans l’industrie musicale

Après avoir terminé le programme RAC, Rebekah a effectué un bref stage aux MakeWay Studios, où elle a perfectionné ses compétences en matière d’enregistrement, de production et de mixage, principalement de la musique hip-hop. L’occasion s’est présentée après avoir rencontré le propriétaire (Brandon Hecht, ancien élève de RAC) par l’intermédiaire d’un ami, et tenté sa chance en lui demandant un emploi. Pour elle, l’expérience a été inestimable. « J’ai appris la pression de l’enregistrement et la résolution de problèmes pendant une session. Les jours plus calmes, Jay Century, un compositeur/producteur très talentueux, s’asseyait avec moi et partageait des astuces de production », partage-t-elle. 

Au même moment, l’ancienne élève de RAC a eu l’incroyable opportunité d’enregistrer un spectacle en hommage à Dizzy Gillespie à Ottawa, produit par l’ancien batteur de Dizzy, Nasyr Abdul Al-Khabyyr, et Cypress Hernandez, propriétaire de Precision SoundLab. Fan de jazz, Rebekah a adoré l’expérience. Et bien qu’elle n’ait pas beaucoup travaillé dans le domaine de l’enregistrement sonore live, les compétences qu’elle a acquises à RAC se sont révélées utiles : installer les micros, s’assurer que tout est connecté et fonctionne bien, égaliser la salle, et mixer et mastériser après le spectacle.

D’un point de vue personnel, c’est aussi à cette époque que la créatrice a commencé à explorer l’idée de faire de la musique sous un nouveau nom d’artiste : Kizunah. L’idée de ce nom lui est venue lors du trajet en traversier qui la ramenait d’un voyage à Haida Gwaii, en Colombie-Britannique, avec son père. Selon le site web du gouvernement japonais, « Kizuna signifie les liens durables entre les gens –  les relations étroites forgées par la confiance et le soutien mutuels. » « J’ai aimé la signification de ce mot, car la musique crée des liens entre les gens. J’ai ajouté le “H » à la fin parce que mon nom de famille s’écrit Rebekah et je voulais lui donner une touche personnelle », explique-t-elle. 

Kizuna Calligraphy par KANAZAWA SHOKO

​​C’est sous Kizunah que Rebekah a sorti son EP Lost in a Dream, qu’elle décrit comme des rythmes de trap éthérés et inspirés de l’espace. Bien qu’elle se souvienne du processus de création de ce projet comme étant une expérience immersive et magique, tout a en fait commencé par sa difficulté à créer des rythmes de batterie. « Je voulais absolument éviter les  boucles d’échantillons et j’étais déterminée à apprendre à les créer moi-même. Mon partenaire de l’époque m’a donné de précieux conseils, me suggérant d’explorer des idées non conventionnelles, comme utiliser différents sons pour la caisse claire ou le charleston, plutôt que de me concentrer uniquement sur des sons de batterie traditionnels. Suivant son conseil, j’ai expérimenté différents sons et j’ai fini par créer le rythme de batterie. »

Revenant sur ses influences musicales, Rebekah souligne à nouveau l’impact de l’art visuel sur son processus créatif. « Un son ou une chanson peut déclencher une idée chez moi, tandis que des descriptions de scènes visuelles peuvent également être une source d’inspiration. Étant très visuelle, beaucoup de mes productions ont suscité l’apparition d’ histoires vives dans mon esprit ». Cela l’a finalement amené à travailler dans le domaine de l’expérimentation et de la conception sonore, où elle a pris plaisir à créer des atmosphères évocatrices et de la musique adaptée à des contextes cinématographiques. « J’étais particulièrement impatiente de me lancer dans la composition de musiques de film », note-t-elle – et c’est exactement ce qu’elle a fait. 

Sur le grand écran et au-delà

Comme si la créatrice n’en avait pas assez sur son CV, elle y a ajouté le titre de compositrice de films lorsqu’elle a travaillé sur quelques courts métrages français indépendants. L’un de ces films « In Vitro » a même remporté le prix de la meilleure musique lors du gala de cinéma organisé pour les diplômés de l’Université de Montréal. Étant donné son penchant pour l’intégration des visuels et de la production musicale, ce créneau lui convenait parfaitement. 

Cependant, Rebekah s’est éloignée temporairement de la musique après avoir vécu des événements tragiques dans sa vie personnelle, comme la perte d’amis proches à cause de la dépendance. Cela l’a amenée à travailler dans le domaine de la sensibilisation et de l’aide à la santé mentale dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, une communauté aux prises avec de graves problèmes de toxicomanie et de manque de logement. « En raison du poids du travail, on m’a diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique (SSPT) et une dépression. J’ai essayé de canaliser ce que je ressentais à travers la musique, mais j’avais du mal à me connecter avec ce côté de moi. Je me suis trouvée dans un état d’isolement », révèle-t-elle. 

Elle a alors commencé à écrire un roman, un récit fictif inspiré d’événements réels. « Mes expériences [au travail] étaient souvent traumatisantes, mais elles ont renforcé ma détermination à mettre en lumière ces questions. L’écriture de ce livre est devenue un processus cathartique – un moyen de partager ma propre histoire, d’amplifier les voix des personnes concernées et de promouvoir l’empathie à l’égard de leurs luttes. À travers ce livre, je cherche non seulement à raconter une histoire passionnante, mais aussi à transmettre des leçons importantes tirées de vraies rencontres », explique-t-elle. Le livre, intitulé Behind Skye’s Eyes, est attendu pour la fin du mois de mars.

Alors que Rebekah prépare déjà un deuxième roman, elle espère revenir à la musique et raconter son histoire par le son. Elle envisage également de travailler à nouveau dans l’industrie du cinéma, réunissant ses passions pour la musique, les médias visuels et la narration.  

Écrit par Andria Piperni

Illustration par Holly Li