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À date, le travail du compositeur Evan MacDonald a été présenté dans plus de 25 films, ainsi que dans des publicités pour de grands noms tels que Dior, Google, Pepsi, le PGA Tour, et d’innombrables autres. Sa musique a été entendue sur toutes les grandes chaînes de télévision, dans des festivals de cinéma de renommée mondiale (comme pour le Festival de Cannes) et même dans des stades internationaux. Il n’est donc pas surprenant que la SOCAN l’ait récemment nommé « compositeur à surveiller » et qu’elle ait reconnu son travail avec de nombreux prix pour les meilleurs compositeurs audiovisuels du Canada.  

Il a pris le temps de discuter avec RAC des différentes facettes de la composition – de la musique de film à l’écriture pour les bibliothèques musicales – et de la façon dont il est arrivé là où il est aujourd’hui.

RAC : Votre passion pour la musique a commencé à un jeune âge, mais quand (et comment) avez-vous réalisé que vous vouliez en faire une carrière ? 

Evan : Quand j’avais 10 ans, mon oncle m’a donné une guitare et honnêtement, on connaît le reste. J’étais obsédé par la musique quand j’étais enfant, et à l’adolescence, je savais que c’était ce que je voulais faire quand je serais plus grand. La seule chose dont je n’étais pas sûr, c’était ce que je ferais exactement. Pendant un certain temps, j’ai espéré être le 6ème membre d’Aerosmith [rit]. Même si cela ne s’est pas encore produit, je suis assez satisfait des choix que j’ai faits jusqu’à présent [rit].

RAC : Votre parcours a débuté en tant que guitariste ; comment avez-vous découvert votre intérêt pour la composition ?

Evan : C’était par accident. Je faisais mon baccalauréat en interprétation jazz à McGill et je voulais organiser mes propres spectacles en tant que chef d’orchestre, alors je me suis dit que je pourrais écrire de la musique pour ces spectacles. C’est alors que beaucoup de gens ont commencé à me dire que ma musique ressemblait à de la musique de film. À l’époque, j’étais un peu vexé parce que mes intentions étaient d’écrire de la musique de jazz, mais heureusement, cela a ouvert la boîte de Pandore et à partir de là, j’ai commencé à être plus conscient de la musique de film. J’ai ensuite suivi un cours facultatif de musique de film à Berklee Online alors que j’étais encore étudiant à McGill et ce fut le coup de foudre. J’ai ensuite fait une demande de maîtrise en musique de film à Berklee – en pensant que je ne serais jamais accepté – mais par chance, j’ai été accepté et cela a vraiment changé ma vie. 

RAC : Quelle est l’une des choses les plus importantes que vous avez apprises pendant vos études et qui, selon vous, a contribué à propulser votre carrière ? 

Evan : Je dirais honnêtement que le fait d’avoir la possibilité de faire des erreurs a été l’une des choses les plus importantes pour moi en tant qu’étudiant. Bien sûr, tout le monde veut réussir et avoir de bons résultats à l’école, mais si je regarde mon expérience, les leçons les plus importantes et les plus précieuses ont été tirées des erreurs que j’ai commises. 

Par exemple, j’ai eu une fois une séance d’enregistrement avec un orchestre et ça ne s’est pas passé aussi bien que je le voulais. J’étais bien sûr très dévasté sur le moment, mais le fait d’avoir pu tirer des leçons de cette situation et de comprendre ce qui n’avait pas fonctionné était énorme. Cela m’a non seulement aidé à prendre confiance en moi, mais aussi à aiguiser mes outils, de sorte qu’en dehors de l’école, je ne referais plus jamais ce genre d’erreur

RAC : Quel a été votre premier emploi en tant que compositeur, et comment cette opportunité s’est-elle présentée ?

Evan : Lorsque j’ai obtenu mon diplôme, j’ai envoyé une centaine de courriels par jour pendant un mois à presque tous les réalisateurs. Je voulais juste que quelqu’un croie en moi et me donne l’opportunité d’écrire la musique de son film. Après quelques semaines, quelqu’un m’a répondu et m’a demandé si je pouvais créer la musique pour son court-métrage. Je n’ai pas été payé pour ce projet, mais j’ai convaincu le réalisateur d’engager un orchestre et nous avons enregistré la partition avec 20 musiciens à cordes. C’était une expérience extraordinaire, qui m’a ouvert de nombreuses portes et m’a mené à de nombreux projets vraiment extraordinaires.

RAC : En plus de composer pour des projets de films et de télévision, vous travaillez également avec des bibliothèques de musique*. Comment faites-vous pour trouver un équilibre entre les deux ?

*Les sociétés qui représentent un large catalogue de musique, généralement dans le but d’obtenir des licences de synchronisation, ce qui est nécessaire lorsque la musique est utilisée dans une production audiovisuelle (film, télévision, jeu vidéo, etc.).

Evan : Un professeur extraordinaire m’a dit un jour : « si je peux te donner le meilleur conseil, ce serait d’écrire de la musique tous les jours ». C’était vraiment l’un des meilleurs conseils que j’ai jamais reçu, et la bibliothèque de musique a été ce point d’ancrage qui me pousse à écrire tous les jours. En particulier au début de ma carrière, lorsque j’avais fini de travailler sur un film et que le suivant ne commençait que dans quelques semaines, voire quelques mois, je prenais l’initiative d’écrire de la musique et j’ai commencé à développer un catalogue. Pour moi, la bibliothèque de musique m’a poussé à « rester en forme » et à continuer à écrire pendant mon temps libre. Cela me permet également de progresser en tant que compositeur, car si j’ai envie d’écrire dans un style dans lequel je ne suis pas très à l’aise, je peux y travailler un peu sans avoir à respecter les délais d’un film ou d’une émission.    

En général, lorsque je travaille sur une bibliothèque de musique, je ne travaille vraiment que sur celle-ci et j’essaie de ne pas jongler avec plusieurs projets en même temps.

RAC : Pouvez-vous nous donner un bref aperçu de votre processus de travail avec les bibliothèques de musique ?

Evan : Généralement, lorsque je travaille sur la bibliothèque de musique, l’objectif est assez simple mais aussi extrêmement intimidant : écrire de la bonne musique. Dans mon cas, je préfère passer un peu plus de temps à perfectionner cette musique, donc je compose d’abord le morceau, puis je le propose à une bibliothèque pour voir si elle est intéressée. 

La plupart du temps, je travaille seul et je m’occupe moi-même de l’écriture et de la production. Lorsque c’est nécessaire, je peux engager des musiciens pour améliorer le son d’une chanson. Si je suis très occupé ou s’il s’agit d’une grosse session d’enregistrement, je travaille avec une équipe qui peut comprendre un.e ingénieur (enregistrement, mixage et/ou mastering), un.e assistant.e pour aider à préparer la session d’enregistrement, un.e orchestrateur, un.e copiste, un.e chef d’orchestre, un.e entrepreneur.e en musique et, bien sûr, tous les merveilleux musiciens. 

En ce qui concerne le processus de création, je commence généralement par établir une liste de lecture des morceaux de musique qui m’ont influencé récemment. Cette liste de lecture me sert de guide pour le type de musique que je cherche à écrire. À partir de là, je commence généralement au piano et je vois ensuite où la chanson peut me mener. 

RAC : Votre processus est-il différent lorsque vous travaillez sur un projet spécifique de film/télévision ?

Evan : Le processus est assez différent. Lorsque je travaille sur un projet de film ou de télévision, je travaille généralement en étroite collaboration avec le/la réalisateur.ice qui m’aide à façonner la partition. 

Lorsque je travaille sur de la musique pour une bibliothèque, je suis généralement seul au début et la toile est beaucoup plus vierge. Une fois que j’ai rassemblé un peu de matériel, je le présente à une bibliothèque, puis je reçois des commentaires et je commence à travailler sur les révisions et les réécritures.

RAC : Vous avez mentionné que vous faites beaucoup d’aspects de la production vous-même lorsque vous travaillez sur des bibliothèques de musique. Ces compétences supplémentaires étaient-elles autodidactes ?

Evan : J’ai appris la plupart de mes compétences en matière de production musicale lorsque j’étudiais à Berklee et, depuis, je consulte YouTube chaque fois que je cherche de nouvelles idées. 

En ce qui concerne les instruments, mon instrument principal est la guitare et je l’ai étudié à McGill. J’ai pris quelques cours de piano de base, ce qui me suffit pour me débrouiller, mais je ne me qualifierais pas nécessairement de pianiste, haha. 

RAC : A votre avis, quelle est la clé du succès quand on travaille pour une bibliothèque de musique ?

Evan : Je pense que la clé du succès est de toujours faire un effort supplémentaire pour rendre parfait votre travail. La qualité prime sur la quantité. C’est difficile de savoir quand on doit s’arrêter ou quand quelque chose est assez bon, mais généralement j’arrête quand je sais que je ne peux pas améliorer ce sur quoi je travaille.

RAC : Comment rencontrez-vous les membres clés de l’équipe avec lesquels vous travaillez le plus souvent ?

Evan : J’ai rencontré pratiquement toutes les personnes avec lesquelles je travaille grâce à des relations personnelles, que ce soit à l’école ou par l’intermédiaire d’un ami. Je contacte également des personnes (principalement des musiciens) dont j’ai entendu le travail et je leur demande si elles seraient intéressées par une collaboration.

Ils viennent du monde entier et, la plupart du temps, le travail peut se faire à distance. Parfois, nous devons être physiquement au même endroit, mais beaucoup de choses peuvent être faites virtuellement. C’est un secteur assez petit et il est assez facile de faire connaissance avec des gens à l’échelle internationale, surtout de nos jours. 

RAC : Quelles sont vos futures aspirations dans ce domaine et au-delà ?

Evan : J’ai eu beaucoup de chance jusqu’à présent et j’ai eu des opportunités incroyables. Je veux juste continuer à grandir en tant que compositeur et j’espère continuer à travailler sur des projets incroyables comme ceux que j’ai eu la chance de faire jusqu’à présent. 

RAC : Un dernier conseil que vous aimeriez partager avec nos étudiants ?

Evan : N’ayez pas peur de faire des erreurs. L’école, c’est l’apprentissage et la croissance. Essayez toujours de viser la perfection, mais lorsque quelque chose ne se passe pas comme vous l’espériez, apprenez-en et grandissez. 

J’ai constaté que, parmi tous ceux avec qui j’ai été à l’école, ceux qui réussissent vraiment dans leur domaine ne sont pas nécessairement les premiers de la classe, mais ceux qui ont été les plus persévérants et qui avaient les plus grandes ambitions. 

–Dernières notes–

De l’aspirant Aerosmith au compositeur accompli en passant par le musicien de jazz formé, le parcours d’Evan illustre l’un des nombreux chemins qui peuvent transformer votre passion en une carrière intéressante. Ce qui a été fondamental pour sa croissance – et qui est applicable à n’importe quel domaine de la musique – c’est la façon dont il a tiré parti de son temps à l’école en créant son réseau, en apprenant de ses erreurs et en acquérant des compétences complémentaires. Tout cela, ajouté à une détermination inébranlable, à l’humilité et à une solide éthique de travail, constitue une recette solide pour une carrière longue et fructueuse. 

Texte écrit par Andria Piperni

Texte traduit par Ania Szneps

lllustration by Yihong Guo