En plus d’avoir fondé son propre label et son agence de gérance d’artistes Hot Tramp, Sarah Armiento a travaillé comme relationniste et promotrice de spectacles, et a cofondé la salle de spectacles montréalaise le Club Social Le Scaphandre.
Après avoir débuté dans les relations publiques dans une agence de promotion de musique, Sarah a accumulé suffisamment de contacts et de compétences pour devenir indépendante; d’abord en travaillant en freelance, ensuite en lançant sa propre agence de gestion d’artistes. Elle a appris les rouages de l’industrie en gagnant autant d’expérience que possible dans divers rôles avant de se faire sa propre place.
Sarah a discuté avec RAC de l’importance de l’entrepreneuriat, des stratégies d’affaires, d’une vision forte pour sa carrière et de comment réussir dans l’industrie de la musique.
RAC : Merci de partager votre histoire avec nous, Sarah ! Vous avez occupé de nombreux postes dans l’industrie musicale. Où votre parcours professionnel a-t-il commencé ?
Sarah : Ma première entrée dans l’industrie musicale était une salle DIY à Montréal nommée The Bog, en 2017. Je faisais ma maîtrise dans quelque chose de complètement différent et je suis tombée sur l’endroit par hasard. En deux mois environ, j’organisais les spectacles, je travaillais au bar et je devenais très impliquée. C’est ainsi que Hot Tramp est né et c’est à ce moment-là que je me suis vraiment intégrée dans la communauté musicale de Montréal. Je me suis rendue compte que c’était ce que je voulais faire et j’ai senti que j’avais un talent pour ça.
J’ai ensuite travaillé en relations publiques pendant un an pour une agence de promotion de musique et, en 2019, j’ai lancé ma compagnie de gérance Hot Tramp avec deux artistes. J’ai utilisé mon expérience en relations publiques pour travailler en freelance alors que je gérais mes artistes. Cette première année, je faisais beaucoup trop de choses à la fois, mais finalement je me suis retrouvée en promotion de spectacles. J’ai organisé le festival Hot Tramp et j’ai commencé à booker et à organiser des spectacles en partenariat avec le Club Social Le Scaphandre. À la fin de l’année, je savais que je voulais me concentrer sur la promotion de spectacles et la gérance d’artistes. Mon plan d’affaires a commencé à se spécialiser après ça.
RAC : Qu’est-ce qui vous a poussée à vouloir vous lancer seule et à fonder un label ?
Sarah : Lorsque 2020 est arrivé et que le booking de spectacles ne semblait pas prometteur, j’ai décidé de changer de direction et de lancer un label. C’était mon objectif final, mais la COVID a fait en sorte que cela se passe plus tôt que prévu. L’industrie musicale évolue rapidement et j’ai senti que je devais élaborer un plan, sinon Hot Tramp risquait de ne pas survivre à la pandémie. Un label pouvait englober tous mes autres emplois. Aujourd’hui, je m’occupe toujours du booking et des relations publiques, mais je le fais en me concentrant sur la maison de disques.
Si vous voulez créer un label, je vous conseillerais de prendre le temps d’apprendre à connaître le secteur, car vous devez en connaître tous les aspects. Vous devez être à la fois un avocat en droit du divertissement, un comptable, un stratège en marketing… et si vos artistes n’ont pas encore d’équipes entières, c’est beaucoup. Il est important d’avoir un bon nombre d’années d’expérience ou de formation. La première année, j’ai eu l’impression d’apprendre en cours de route et c’est toujours le cas aujourd’hui.
RAC : Comment les gens peuvent-ils explorer divers domaines d’expertise pour trouver une carrière qui leur convient ?
Sarah : Pour ma part, je l’ai fait principalement par l’expérience pratique : en apprenant et en faisant de la recherche sur ce que les autres ont fait. Une chose très utile à faire au début est de parler à des gens de l’industrie qui ont des années d’expérience, puisqu’ils sont déjà passés par là. La meilleure façon d’acquérir des connaissances c’est en se faisant des alliés dans le secteur qui sont prêts à vous soutenir. Assurez-vous de ne pas être tout seul à essayer de vous débrouiller.
En relations publiques, l’une des premières choses que j’ai apprises, c’est la diversité des rôles dans l’industrie. Il y a les promoteurs, les agents, les relationnistes de presse, les gérants de label, les distributeurs… il y a tellement de métiers à choisir. Le réseautage est aussi très important, rien qu’en participant aux festivals ou en vous inscrivant en tant que délégué, vous apprendrez beaucoup.
RAC : À quel point est-ce que la communauté musicale a été importante pour le lancement de votre entreprise ?
Sarah : Je pense que c’est la communauté musicale qui m’a fait entrer dans l’industrie; je ne serais pas ici sans elle. Hot Tramp est une entreprise, mais elle est très axée sur la communauté, comme si nous formions tous une équipe.
Mes deux premières artistes ont été une grande source d’inspiration pour moi quand j’ai voulu créer une agence de gérance. Croire en la musique des artistes que l’on représente est absolument essentiel, sinon ça ne vaut pas la peine de faire ce métier. Vous devez aimer ce que vous faites, sinon vous deviendrez fou.
RAC : Quel a été l’un des plus grands défis en tant qu’entrepreneuse dans cette industrie?
Sarah : Pour un label, ce sont les finances. Dans le monde de la musique indépendante, vous êtes limités par les fonds. Ce n’est pas une source de revenus rapides. Cela dépend de la trajectoire de vos artistes, mais parfois vous avez de la chance et vous avez un artiste qui perce. Cela dit, c’est définitivement difficile et c’est un obstacle à franchir si vous n’avez pas de soutien financier, ce qui est souvent le cas des artistes indépendants. Il faut être patient.
Un label de disques est non seulement un investissement de temps, mais aussi un investissement financier. Quand on est gérant, on investit son temps, mais on ne dépense pas beaucoup d’argent. Quand vous êtes un label, vous faites les deux. Je conseillerais d’attendre d’avoir une structure financière stable en tête et d’avoir des économies solides avant de se lancer.
RAC : Quelle a été l’une des plus grandes récompenses ?
Sarah : Je n’ai pas envie de faire autre chose. Même si cela peut être stressant et instable, c’est tellement gratifiant de voir réussir les artistes auxquels on tient et pour lesquels on a travaillé fort. Lorsque vous dirigez votre propre entreprise, vous ressentez plus intensément les victoires et les pertes. Mais quand ça marche, comme quand vous réservez ce spectacle que vous vouliez vraiment ou quand l’album réussit, ça en vaut la peine. Une victoire professionnelle est une victoire personnelle.
RAC : Quelles premières étapes recommanderiez-vous aux artistes qui cherchent à débuter leur carrière et à bâtir leur équipe ?
Sarah : Si vous débutez en tant qu’artiste, ne pensez même pas encore à une équipe – vous n’en avez pas besoin. Si vous trouvez un gérant, il n’y aura rien à gérer ! Concentrez-vous sur votre équipe créative, comme les producteurs, sur la création de bonne musique et sur les spectacles locaux. Une fois que vous commencerez à vous faire connaître dans la communauté et à créer le son que vous désirez, vous pourrez commencer à chercher une équipe. Mais d’abord, concentrez-vous sur le développement de votre art dans votre communauté.
En tant que jeune artiste, la chose la plus importante est de se faire entendre. Travaillez sur un EP, sortez quelques titres, participez aux festivals de votre ville. Vous pouvez trouver sur l’internet tous les délégués qui sont en ville et leur proposer un café ou les inviter à un spectacle. Aucun gérant ne va vous signer au début.
RAC : Que faut-il considérer avant de signer un contrat avec un label ?
Sarah : De nos jours, le financement est la chose principale que les labels peuvent vous apporter, ainsi qu’une distribution de qualité et une infrastructure permettant de vendre votre musique dans les magasins aux États-Unis et au Canada. Évidemment, la valeur d’un label varie en fonction de son influence mais si vous avez vraiment besoin d’un soutien supplémentaire, il peut vous aider.
Votre objectif ne devrait jamais être d’obtenir un contrat, il devrait être de vous concentrer sur la création musicale. Si un label se présente, c’est génial, mais vous devez donner la priorité à la diffusion de votre musique aux bons endroits.
RAC : Comment les artistes peuvent-ils faire placer leur musique dans des émissions ou des films ? Quels sont les aspects auxquels ils doivent faire attention ?
Sarah : L’idéal est de figurer dans le répertoire d’une agence de licence. Lorsque vous recherchez des agences, vérifiez toujours ce qu’elles ont fait dans le passé. C’est toujours excitant pour les artistes de se voir proposer un contrat, mais vous voulez des preuves de placements précédents. Faites des recherches sur les agences – il est plus difficile d’obtenir des placements sans elles. Vous pouvez essayer de contacter les superviseurs musicaux, mais leurs boîtes de réception sont probablement les plus surchargées de l’industrie. Essayez d’en convaincre un de prendre un café avec vous lorsqu’il est en ville.
RAC : À quoi les artistes doivent-ils faire attention lorsqu’ils reçoivent un contrat?
Sarah : Idéalement, les contrats devraient être examinés par un avocat spécialisé dans le divertissement. Vous pouvez aussi le faire vous-même et demander à un ami du secteur. S’il y a des termes que vous ne comprenez pas, il vaut mieux être sûr.
Engager un avocat spécialisé dans le divertissement peut être inaccessible. Idéalement, vous trouverez quelqu’un qui vous aidera gratuitement. Sinon, vous pouvez toujours demander à la personne qui vous a envoyé le contrat de le clarifier. Il existe de nombreux modèles de ressources communes en ligne, ce qui vous permettra de connaître les pratiques habituelles. Si vous avez des doutes, demandez un deuxième avis.
RAC : Quelle est la meilleure leçon que quelqu’un du secteur vous a apprise lorsque vous commenciez ?
Sarah : Faites-vous connaître. Rencontrez des gens. Parlez aux gens. Les opportunités ne se présentent pas d’elles-mêmes lorsque vous débutez. On ne frappe pas à votre porte, c’est à vous de le faire.
—Dernières notes—
Sarah Armiento est l’une des nouvelles forces les plus intéressantes de l’industrie musicale. Elle organise des tournées dans le monde entier, assure une distribution de qualité, a des relations bien établies et propose une approche personnelle dans la gérance d’artistes – une offre rare et passionnante. Il a fallu des années pour trouver la bonne formule, mais aujourd’hui, Hot Tramp est un brillant exemple d’équilibre entre expérience et intention.
S’il est essentiel pour les jeunes professionnels d’expérimenter divers rôles dans l’industrie musicale, Sarah souligne l’importance de spécialiser progressivement ses services. De plus, élaborer un plan d’affaires précis limite le risque d’accepter trop de tâches différentes et de gérer une entreprise qui manque de clarté. Suivez le trajet qui vous convient le mieux.
Texte écrit par Maryse Bernard
Illustration par Yihong Guo