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À Montréal, sa ville natale, Jesse Mac Cormack se passe presque de présentation. L’auteur-compositeur-interprète et multi-instrumentiste s’illustre d’un parcours qui compte deux albums acclamés, plusieurs EPs tout aussi encensés et un nombre croissant de fans internationaux, en plus de s’être hissé au rang de réalisateur convoité. S’il sait porter tous les chapeaux de façon prolifique, Jesse Mac Cormack choisit plutôt de se laisser porter par ce qui l’anime. RAC s’est entretenu avec l’un des artistes les plus talentueux de sa génération. 

RAC : Vous semblez être en mesure de tout faire. Qu’est-ce que vous faites dans la vie?

Jesse : Oh my god! Je crée. J’essaie de faire le moins de choses désagréables possible. J’essaie de ne pas trop forcer les choses : quand ça bloque, je dis bye. J’essaie de rester dans le flow pour n’avoir que du plaisir. Des fois, ça veut aussi dire prendre une pause, ne rien faire. 

RAC : Vous êtes musicien de formation, et aussi réalisateur. Qu’est-ce qui vous a mené vers la réalisation? 

Jesse : Je produis ma propre musique. Je produis moins de musique d’autres artistes ces temps-ci. Je l’ai énormément fait ces dix dernières années. J’en étais là, je voulais me greffer à des projets qui existaient déjà, j’avais envie de prendre de l’expérience. 

En ce moment,  je me concentre sur mes affaires. Je ne dis pas que je n’ai plus envie de le faire du tout, c’est seulement quelque chose qui m’allume moins en ce moment. On dit souvent que j’ai ma couleur, et à mon avis, c’est difficile de faire de la musique sans qu’on entende cette couleur. À présent, si je devais faire de la réalisation, il faudrait que ce soit dans un cadre où quelqu’un m’approche parce que c’est ce qu’il recherche. Il fut un temps où j’avais l’impression que je pouvais faire un peu n’importe quoi car je suis assez polyvalent, mais j’en ai plus envie. 

RAC : En 2022, vous avez sorti votre deuxième album, SOLO. En mai dernier, vous faisiez paraître un EP, SOLO_2, composé de titres de l’album retravaillés à saveur lourdement électro. Qu’est-ce qui a mené vers cette nouvelle aventure?  

Jesse : Il s’agit de chansons qui ont été composées au cours de la pandémie et du confinement. J’étais en mode introspection. Ensuite, quand on a recommencé à faire faire des shows, j’ai senti le besoin de revisiter ce matériel avec une énergie plus live et uptempo. J’ai eu envie de prendre un virage électro. 

C’est une musique que j’ai toujours eu envie de faire, et que j’ai toujours beaucoup aimé. C’est un style qui m’attire. Je crois que c’était le bon moment pour moi, les choses se sont alignées à ce niveau. Le fait d’être confiné, avec peu de matériel m’a également un peu mené vers ça – j’avais seulement un ordinateur, un clavier et très peu d’instruments. J’étais moins en contact avec la scène live de musique alternative. 

Je pense aussi que c’est très naturel pour moi. Mon show est très électronique maintenant – ça s’apparente un peu à un DJ set. C’est le même genre d’énergie. J’ai toujours un peu créé dans ma petite bulle, et ensuite on amenait ça aux musiciens. Il y a toujours eu cette barrière lorsqu’on fait les choses en studio, je me demande ensuite : « Ok, comment ça se concrétise pour le band ? ».  Je n’ai plus cette barrière, je peux créer librement et ramener ça sur le stage comme je l’entend. 

RAC : Il a des artistes, comme Bob Dylan ou Cat Power, qui sont réputés pour reprendre leurs chansons dans un tout autre style. Comment avez-vous trouvé l’expérience? 

Jesse : Quand on termine des chansons en disant que ce sont les versions qui vivront sur l’album, on ferme le projet. Mais avant de figurer sur l’album, ces chansons ont peut-être été sur un disque dur pendant un an ou deux. Lorsqu’un qu’on ferme un projet, et qu’on le rouvre plus tard, on a envie de tout refaire parce qu’on a évolué, on est rendu ailleurs, on a différentes envies. C’est un peu ce que j’ai fait. C’était assez naturel, j’ai rouvert les choses et j’ai refais les chansons comme je les feelais à ce moment-là. 

RAC : Quelles sont les bonnes qualités d’un réalisateur et celles d’un musicien? 


Jesse : Un bon musicien est quelqu’un qui parle le langage de la musique. Il n’a pas besoin de beaucoup d’explications, tu peux lui parler en charabia et il va comprendre. Il est très dans l’instinct. Le réalisateur aussi, mais un bon réalisateur est quelqu’un qui comprend le son. Il est capable de placer les éléments pour que tout se passe de manière organique. C’est aussi quelqu’un qui entend les vers d’oreilles, les hooks, qui sait comment aligner les éléments. Parfois lorsqu’un artiste compose, il y a de la matière, il a besoin de s’enligner un peu, de quelqu’un qui lui dit par exemple cette intro devrait plutôt être un refrain. Le réalisateur apporte une différente perspective à l’artiste, c’est une oreille extérieure.

RAC : Avez-vous des conseils à offrir à ceux qui souhaitent produire de la musique? 


Jesse : Je dirais go for it. Toutes les ressources sont là, que ce soit en commençant par des tutoriels. Ne te pose pas de question, lance-toi! 

RAC : Qu’est-ce que l’avenir vous réserve? 

Jesse : J’ai quelques spectacles cet été, il y en aura plus à l’automne. Je vais sortir beaucoup de musique l’an prochain. Je compte sortir un single presque tous les mois. Présentement, je suis plus en mode création qu’en mode tournée. Actuellement, on préfère sortir de la musique, voir quelles sont les répercussions. Je ne ressens pas le besoin de faire un album, pour l’instant. C’est beau, faire un album, mais en ce moment, c’est un peu désuet – c’est énormément de travail pour très peu de rebondissements. Par exemple, faire un album sur lequel tu as travaillé pendant deux ans, il y a de la promo pendant quelques semaines, puis c’est fini. Et on recommence. Je n’ai pas envie de faire ça, j’ai plus envie d’être en phase avec ce que je crée actuellement. Je fais les chansons, je les sors, il y a une réaction. Puis une autre chanson, et ainsi de suite. 

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Écrit et traduit par Christelle Saint-Julien

Illustration par Yihong Guo