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En tant qu’ingénieur du son en direct et cofondateur de la salle de spectacle montréalaise le Club Social Le Scaphandre (et ancien élève de RAC !), Evan Johnston a monté et enregistré des spectacles dans tous les genres musicaux, que ce soit pour des groupes de rock ou des orchestres. Son travail est guidé par des principes simples qui s’appliquent autant aux performances live qu’aux enregistrements : comprendre les besoins sonores spécifiques des musiciens et de chacun de leurs instruments, maîtriser l’équipement et les outils nécessaires pour calibrer parfaitement un espace, et établir des liens avec les artistes et les ingénieur(e)s.   

Lorsque la pandémie a frappé, Evan était immédiatement prêt à diffuser des spectacles virtuels de haute qualité grâce à l’équipement qu’il avait à sa disposition et à l’expérience qu’il a acquise au cours de sept années de travail dans le domaine du son. Il s’est entretenu avec RAC pour discuter des leçons utiles qu’il a tirées de sa carrière, des avantages d’être prêt à tout, ainsi que de partager ses astuces simples pour rendre le son en direct encore plus magique. 

RAC : Qu’est-ce qui vous a amené à travailler dans le domaine du son ?

Evan : Depuis que je suis tout petit, je joue d’un instrument. J’ai commencé par le violon, puis la contrebasse et la guitare. Vers l’âge de 15 ans, j’ai commencé à jouer dans des groupes. Nous avons enregistré quelques albums ensemble et j’ai toujours pensé que le processus était fascinant. J’ai commencé, comme plusieurs, avec un magnétophone à cassette stéréo, puis nous avons eu une console de mixage Yamaha à huit canaux.

Pour mes études, je suis d’abord allé à l’Université MacEwan pour étudier la guitare jazz et blues. J’ai voulu m’orienter davantage vers la production et le son en direct, alors j’ai ensuite déménagé d’Edmonton à Montréal pour aller à RAC !

Par la suite, j’ai utilisé mes compétences en audio pour travailler occasionnellement lors des concerts dans des bars et des salles de spectacles. J’ai ouvert une salle de spectacle indépendante avec quelques amis appelée The Bog, où j’ai aidé à installer un très bon système de son. Après un certain temps, mes partenaires et moi avons senti que nous dépassions le stade de l’espace DIY et nous avons ouvert le Club Social Le Scaphandre.

RAC : Quelle est une leçon que vous avez apprise en étudiant l’audio que vous retenez encore ?

Evan : Traiter la conception sonore comme une science m’a été très utile. C’est comme pour la cuisine ou la pâtisserie – vous pouvez lire des instructions, mais si vous ne comprenez pas les principes fondamentaux du fonctionnement du son en tant qu’onde de pression, il est plus difficile de saisir complètement le concept.

Une leçon que j’ai apprise à RAC pour gérer le son en direct – qui s’applique si vous utilisez des équipements analogiques ou si vous passez par un DAW – est qu’il est utile de visualiser le trajet de la chaîne du signal (autrement dit, où vous voulez que le son vienne et où vous voulez qu’il aille). Si vous tracez une ligne ininterrompue, ça vous aidera à diagnostiquer les problèmes lorsque quelque chose ne fonctionne pas.

RAC : Quel est un domaine inattendu dans lequel vous avez découvert que vos compétences pouvaient être appliquées ?

Evan : Je ne m’attendais pas à être aussi impliqué dans le montage vidéo. La moitié du travail dans le montage vidéo, c’est le son. Je dirais que lorsque vous réalisez une vidéo, la qualité du son est parfois plus importante que la vidéo. Si vous regardez une super vidéo avec un son nul, vous le remarquerez.

Photo prise de l’Instagram du Club Social Le Scaphandre

RAC : Quel est le premier équipement dans lequel vous avez investi lors de l’ouverture du Club Social Le Scaphandre ?

Evan : Nous avons décidé au début que, même si nous n’avions pas beaucoup de fonds, la majorité de notre investissement irait vers l’équipement sonore. Nous savions que nous voulions créer un espace avec un système de son incroyable. Nous avons donc acheté une console de mixage numérique Behringer X32, un ensemble de haut-parleurs QFS KW153 avec des subwoofers et un câble serpent numérique. Lorsque nous gérions The Bog, tout était analogique. Nous étions constamment confrontés à des bourdonnements et à une multitude de problèmes, alors il était vraiment important que nous commencions du bon pied.

RAC : Est-ce que le passage de l’analogique au numérique a été une grande amélioration ?

Evan : Énorme. Si vous faites un soundcheck sur une console analogique pour trois groupes en une soirée, à part de prendre une photo de l’emplacement de tous vos faders rotatifs, ils ne joueront pas de la même manière lors du spectacle. Sur la table de mixage numérique, nous sauvegardons nos soundchecks, puis au cours de la soirée nous chargeons la scène et c’est exactement comme nous voulons que ça sonne.

RAC : Quelles sont les pièces essentielles que même le système de sonorisation le plus basique devrait inclure ?

Evan : Que vous utilisiez le numérique ou l’analogique, vous aurez besoin d’un égaliseur multibande, d’un compresseur et, idéalement, d’une simple réverbération. Je pense que vous pouvez vous débrouiller avec ça, mais si vous avez les moyens de vous procurer une console numérique, ça fait toute la différence.

RAC : Quel est votre type de spectacle préféré à sonoriser ? Quel est le plus difficile ? 

Evan : Je pense que mon type de spectacle préféré est orchestral. Tout est si subtil avec le placement des micros, le panoramique et l’égalisation en particulier. Vous essayez principalement d’améliorer le son et de le mixer correctement sans trop le modifier. Lorsque vous réussissez, c’est très satisfaisant.

Je pense que les groupes avec beaucoup de membres qui jouent très fort sont les plus difficiles à sonoriser. Lorsque vous avez une guitare très puissante, il est difficile d’assurer au guitariste qu’il peut baisser son ampli et que le son sera toujours super dans la pièce. Souvent, les guitaristes montent le son de leur ampli, ce qui fait que le niveau sonore augmente constamment.

RAC : Comment établissez-vous une communication claire et une relation solide avec les artistes avec lesquels vous travaillez ?

Evan : Je pense qu’il est incroyablement important pour tout ingénieur(e) du son en direct de se présenter dès le début et de connaître le nom de toutes les personnes avec lesquelles il ou elle travaille. Si les artistes ont du respect pour ce que vous faites et savent que vous respectez ce qu’ils font, tout se passera bien.

RAC : Comment avez-vous déterminé la meilleure façon de calibrer le système sonore de l’espace ?

Evan : Nous avons construit des murs supplémentaires avec des canaux résilients pour l’insonorisation, ajouté des pièges à basses et des diffuseurs pour les hautes fréquences et mis de la mousse haute densité sur les fenêtres pour qu’il n’y ait pas de surface plate derrière la scène.

Photo prise de l’Instagram du Club Social Le Scaphandre

RAC : Pouvez-vous nous recommander des consoles de mixage ou des microphones pour les voix en direct ?

Evan : La console de mixage Behringer X32. Elle est une élément essentiel dans de nombreuses salles de spectacles. Ensuite, pour les voix en direct, le microphone dynamique classique Shure SM58.

RAC : Lorsque la pandémie a frappé, Le Scaphandre a été parmi les premiers à offrir des spectacles en ligne. Comment avez-vous fait pour vous préparer ?

Evan : Nous n’avions jamais rien fait comme ça auparavant. Finalement, le secret a été de mixer le son en direct et de l’envoyer au flux pour qu’il soit synchronisé avec la vidéo. Sans le flux, vous mixez pour la salle. En revanche, en webdiffusion, vous mixez pour des écouteurs ou un haut-parleur d’iPhone. Notre solution était de faire jouer les groupes en coupant les haut-parleurs de la salle et utiliser uniquement les moniteurs. J’étais à la console, je mixais à partir de mon casque et je vérifiais périodiquement entre ce que la console envoyait et ce que mon interface audio recevait, puis ce que ce dernier envoyait au stream. Nous avons dû régler quelques problèmes de latence, mais en général, ça s’est bien passé. 

Pour tous ceux qui souhaitent diffuser des spectacles en direct, OBS est un logiciel de streaming gratuit et open source qui fonctionne très bien. Vous pouvez utiliser plusieurs caméras et sources audio, le tout gratuitement.

RAC : Avec la réouverture des salles, trouvez-vous qu’il y a une forte demande pour les événements en direct ? Pensez-vous que cela mènera davantage à des emplois ?

Evan : Je pense que oui. Le problème c’est que la pandémie a provoqué la fermeture de nombreux lieux de spectacles. Donc, bien qu’il y ait à nouveau une forte demande de spectacles, les espaces dans lesquels ils peuvent être offerts sont limités. Mais il y a certainement un potentiel pour plus de postes disponibles dans le domaine du son et nous assistons à une explosion des demandes d’événements, ce qui est positif.

Photo prise de l’Instagram du Club Social Le Scaphandre

RAC : Comptez-vous mettre à profit certaines leçons tirées de la pandémie ?

Evan : Oui ! Nous maintiendrons certainement notre protocole de propreté des microphones. Avant la pandémie, personne ne réfléchissait vraiment au fait que plusieurs personnes se partagent le micro au cours d’une soirée. Maintenant, nous avons des microphones supplémentaires et une procédure de nettoyage entre les actes. La pandémie nous a également permis de dire avec confiance que nous pouvons diffuser un spectacle sur Twitch à tout moment si nécessaire.

–Dernières notes–

Quand on travaille dans le domaine du son en direct, il faut rester en alerte. Evan dit qu’il est important d’être organisé et de se familiariser avec l’espace pour éviter tout désastre potentiel. « Gardez toujours un œil sur vos câbles », suggère-t-il. « Idéalement, numérotez ou étiquetez vos câbles afin de savoir en un instant où quelque chose est branché. Vous pouvez rester à la console et demander à l’artiste ce qui est branché dans son micro. » Il recommande également de toujours avoir une guitare de rechange (au cas où quelqu’un casserait une corde), des piles pour les micros actifs et plus de micros que vous ne pensez avoir besoin.

Pour décrocher l’emploi de vos rêves dans votre salle de spectacles préférée, Evan pense que souvent, un CV impressionnant ne suffit pas. D’après son expérience, les salles embauchent généralement des personnes qu’elles connaissent déjà et en qui elles ont confiance. « Si vous voulez travailler quelque part, allez-y voir des spectacles et prenez un verre », dit-il. « Présentez-vous aux technicien(ne)s du son et aux propriétaires, et indiquez que vous êtes intéressé. Ça va beaucoup plus loin qu’un CV aléatoire. »

Texte écrit par Maryse Bernard

Illustration par Yihong Guo