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La DJ et organisatrice mayalabae (alias Maya Hassa), originaire de Chicago et basée à Montréal, s’est rapidement établie sur la scène musicale électronique depuis ses débuts en 2020. Ce qui a commencé en partageant les platines avec des ami.e.s lors d’événements underground et en expérimentant avec des sons tels que le breakbeat, la techno et la pop nostalgique s’est transformé en une véritable carrière de DJ. Avec seulement quelques années de spectacles à son actif, Maya a déjà mixé lors d’événements majeurs comme Igloofest et le Piknic Électronik, ce dernier qu’elle jouera à nouveau en juin 2023.

RAC a rencontré cette créatrice aux multiples facettes (a-t-on mentionné qu’elle anime aussi une émission sur n10.as radio la nuit et qu’elle travaille dans le domaine de la finance climatique le jour?) pour en savoir plus sur comment elle a décroché des grandes opportunités et ses projets passionnants à venir.

RAC : Merci d’avoir pris le temps, Maya! Comment avez-vous commencé à vous impliquer dans la musique?

Maya : J’ai commencé par écrire sur la musique. Je participais au journal de mon école secondaire et mon professeur m’achetait des billets pour aller à des concerts et des festivals de musique pour écrire des critiques. C’était très gratifiant, alors quand j’ai déménagé à Montréal pour l’université, j’ai rejoint une publication appelée Graphite Publications et je suis devenue rédactrice en chef pour la musique. J’allais surtout aux concerts électroniques et j’écrivais sur les artistes électroniques underground que je voyais. J’ai fini par me faire des ami.e.s dans la scène musicale et j’ai commencé à promouvoir leurs albums.

En 2019, j’ai rejoint Also Cool Mag à son lancement et j’ai écrit leur premier article publié : une entrevue avec Regularfantasy juste avant la pandémie. C’était le moment idéal pour commencer à promouvoir la musique de nos ami.e.s lorsque nous n’avions pas la possibilité d’aller aux concerts et de les voir en direct – et aussi une façon cool de rester en contact avec la scène musicale tout en étant confiné.

RAC : Comment vos débuts en tant que rédactrice et passionnée de musique vous ont-ils amenée à faire du DJing?

Maya : Après avoir été danseuse et passionnée de musique pendant plusieurs années, j’ai toujours eu envie de jouer de la musique moi-même. J’ai collectionné de la musique pendant des années et l’une de mes activités préférées pendant mon temps libre est de faire des recherches musicales en ligne. Lorsque la Covid est arrivée en 2020, ma colocataire m’a offert ses CDJs, qui accumulaient la poussière, et j’ai sauté sur l’occasion. Pendant la pandémie, j’avais installé un système de club complet dans le salon et il n’y avait rien de mieux à faire que de pratiquer le mixage, alors c’est ce que j’ai fait. 

Ensuite, on a obtenu notre studio Le Château sur Durocher. C’est là que j’ai joué mes premiers shows devant un public. On invitait des ami.e.s à venir jouer lors de soirées gratuites. On sentait le besoin d’un sanctuaire pour que les gens puissent danser et garder un sens de la communauté.

RAC : Comment avez-vous appris à être DJ?

Maya : J’ai appris par moi-même. Lors du confinement, j’ai assisté à des tutoriels Zoom sur comment organiser rekordbox et apprendre les fonctions de base d’un CDJ. Je me suis aussi inscrite à une école internationale de DJ en ligne, mais j’ai arrêté après un moment parce que c’était bien plus agréable de pratiquer le mixage avec mes ami.e.s qu’avec un gars aléatoire sur YouTube.

La communauté a été importante dès le début. Je travaille toujours mieux en tant que DJ avec d’autres personnes, parce que c’est plus amusant d’échanger des idées et de mélanger différents genres à plusieurs. 

RAC : Qu’est-ce qui vous a amené à Montréal et pourquoi la communauté vous a-t-elle donné envie de vous y installer?

Maya: J’ai déménagé ici pour l’école et j’ai obtenu un diplôme en sciences environnementales, étudiant comment la mousse respire et peut séquestrer le méthane. Je pensais poursuivre mes études dans ce domaine, mais j’ai fini par décrocher un emploi dans une société de capital-risque spécialisée dans le climat et je travaille maintenant en développement durable.

Je suis restée à Montréal pour l’ouverture de la scène culturelle, le fait qu’elle soit vraiment accueillante et facile à intégrer, et parce que j’avais l’impression d’avoir créé une communauté sur la scène musicale électronique dont je voulais faire partie à tous les niveaux. Elle occupe une place très spéciale dans mon cœur.

RAC : Pouvez-vous nous parler de votre émission de radio et de la manière dont vous avez commencé dans ce domaine?

Maya : Ma première émission était sur Frozen Section Radio à Toronto. J’ai adopté un personnage de radio en ligne – je mettais une tonne de reverb et de delay sur ma voix et je parlais dans le jargon corporatif, je donnais des infos commerciales et je demandais aux gens où en étaient leurs investissements. Puis je plongeais dans un portfolio diversifié de différents genres musicaux et je mixais pendant une heure. C’était durant le confinement et j’avais beaucoup de temps libre pour réaliser des émissions radio dans ma chambre. 

Ensuite, j’ai lancé une émission sur n10.as radio intitulée Deal Flow with mayalabae sur un thème similaire, en liant mon côté corporatif secret au côté musical que la plupart des gens connaissent. J’invitais des ami.e.s en studio pour faire du DJ back-to-back, ce qui m’a amené à être invitée à participer à d’autres shows.

RAC : Comment décririez-vous la musique que vous aimez le plus mixer et vos plus grandes influences? 

Maya : Je pense qu’il y a une grande différence entre ce que j’aime le plus et ce qui est le plus facile à mixer. J’aime le footwork – c’est un genre difficile à écouter parfois parce qu’il implique beaucoup de rythmes syncopés et de répétitions, mais il peut aussi être très beau. J’aime me mettre au défi de trouver du footwork et du juke pour apporter de l’émotion à une fête, et c’est nostalgique pour moi étant de Chicago. Il y a tout un crew comme DJ Rashad, RP Boo et DJ Manny. La musique est très influencée par le hip-hop et le R&B, que j’adore, mais on n’entend pas souvent du R&B dans un rave à Montréal, alors c’est une belle façon de l’incorporer.

J’aime aussi la musique percussive comme le breakbeat. J’adore la musique bassy et la jungle – ce genre de chansons est génial à jouer, mais difficile à mixer selon l’instrumentation. Je joue beaucoup de hard techno parce que j’aime me faire battre l’âme sur la piste de danse et voir les autres se déchaîner aussi. Ensuite, je joue de la pop parce que je ne peux pas m’en empêcher. J’adore mélanger tous ces genres.

RAC : Comment est-ce que partager les platines avec d’autres DJ change un spectacle?

Maya : Ça mélange les choses! C’est plus amusant de partager de la musique avec les gens et de découvrir ce que vos ami.e.s écoutent. J’aime relever le défi d’essayer de correspondre aux goûts musicaux de quelqu’un d’autre. C’est aussi une bonne éducation musicale – on voit comment d’autres DJs mixent des morceaux auxquels on n’aurait pas pensé.

RAC : Vous donnez des spectacles depuis 2020 seulement et vous avez déjà participé à d’importants festivals de musique électronique à Montréal, comme le Piknic Électronik et Igloofest. Comment avez-vous fait pour obtenir ces grandes opportunités?

Maya : Piknic Électronik en 2021 a été mon premier grand spectacle. C’est arrivé très vite, un an seulement après avoir commencé à mixer régulièrement. Les promoteurs ont envoyé un courriel à Also Cool Mag sans préavis, ce qui était génial! Ensuite, mes ami.e.s ont commencé à m’inviter à jouer lors d’évènements.

Je pense que publier des mixes en ligne est utile, car vous créez une empreinte numérique de vos capacités. J’ai joué sur Shift Radio et ça m’a donné une bonne visibilité, ce qui est l’objectif de cette émission : donner l’opportunité à des DJs émergent.e.s de jouer un set filmé en direct.

RAC : Avez-vous des conseils à donner aux DJs émergent.e.s, que ce soit pour développer ses compétences ou pour commencer à booker des shows?

Maya : Je pense qu’il est très important de contacter les gens de la scène pour obtenir des conseils sur l’organisation de soirées et pour que ces connaissances vous soient transmises. Mais aussi, n’ayez pas peur de créer un lineup et d’organiser un événement! C’est A) une excellente expérience d’apprentissage et B) une bonne pratique pour aller jouer dans n’importe quel club, même si la piste de danse est vide. 

Les émissions radio vous permettent aussi de développer votre catalogue musical et vous donnent l’occasion de mixer pour d’autres personnes au-delà de votre studio ou de votre chambre.

RAC : Après votre prochain concert au Piknic Életronik le 11 juin, avez-vous d’autres spectacles à venir? 

Maya : Le sleepover ambient est ma nouvelle grande aventure. J’ai fait un premier événement en juin 2022 avec 10 heures de sets de divers artistes underground montréalais jouant de la musique ambient et drone en direct. C’était dans un loft intime que nous avons décoré sur le thème d’une forêt onirique, avec des nuages en boule de coton, des arbres en papier mâché et des installations lumineuses. C’était magnifique. Les gens sont restés jusqu’à l’après-midi le lendemain et je leur ai préparé des crêpes aux bleuets.

Je veux que ça continue, alors j’organise un autre événement cet été, mais à plus grande échelle. Le nom du projet est zZz, prononcé « shh », et il aura pour thème l’eau. Nous commençons par une série de mixes ambient, avec un premier mix qui sortira la première semaine de juin sur le zZz.club SoundCloud. Ensuite, on organisera de petits événements en journée jusqu’à la soirée, qui aura probablement lieu en août. Je vais travailler avec différents artistes sur des installations aquatiques intégrant les cinq sens. Nous sommes tous surstimulés et fatigués, alors ça sera un espace de détente où l’on pourra entrer en transe et s’endormir, mais en compagnie d’autres personnes. Je veux que ce soit une expérience splendide, énergique et sensorielle.

Les détails seront annoncés sur la page Instagram zZz.

RAC : Avez-vous l’intention de produire et/ou de sortir votre propre musique?

Maya : Oui! Je travaille sur de la musique depuis quelques années mais je ne me suis pas encore sentie assez fière pour sortir quelque chose. Mon but et mon rêve ultime est de lancer mon propre morceau pendant que je mixe. J’espère que ça arrivera cette année, parce que j’ai un million de projets en attente sur mon ordinateur. Peut-être que je sortirai de la musique sous un pseudonyme secret.

Texte écrit et traduit par Maryse Bernard

Illustration par Yihong Guo