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Chaque décennie offre ses propres tendances de musique, de style et de culture pop. Les années 50 ont vu naître et sculpter le rock ‘n’ roll, les années 60 ont introduit les Beatles et l’invasion britannique, les années 70 nous ont donné le disco et un son de batterie super atténué, mais une décennie parmi les autres se distingue particulièrement musicalement : les années 80. Le phénomène revient sans cesse du passé pour envahir les palmarès de la musique d’aujourd’hui. 

Grands cheveux, gros son et beaucoup d’argent : ce ne sont que quelques exemples des caractéristiques qui ont défini cette décennie extravagante. En plus des grandes émissions de télé et des films que les années 80 ont produits, c’est la musique qui a vraiment élevé cette période iconique à un niveau supérieur. Avec la découverte constante de nouvelles technologies, les producteurs de musique avaient le monde au bout des doigts. Mais qu’est-ce qui rend une chanson des années 80 si accrocheuse et pourquoi les artistes modernes sont-ils attirés par une palette sonore popularisée il y a une quarantaine d’années? Voyons pourquoi des musiciens populaires nous ramènent au passé en incorporant des éléments pop rétro dans leur univers sonore.

Phil Collins

Synthétiseurs

L’un des instruments les plus importants pour le son typique des années 80 était – vous l’avez deviné – le synthétiseur. De nombreux synthés existaient déjà au tournant de la décennie. Au début des années 60, Robert Moog a conçu les premiers synthétiseurs en connectant des cordons de raccordement de différents modules. Cela lui a permis de créer et de former des sons à l’aide de ce nouveau processus. C’est ainsi qu’est né le Moog Modular System 55, qui était énorme et assez dispendieux à l’époque. Avec l’arrivée des années 70 , un nouveau synthé Moog amélioré atterrit sur le marché : le Minimoog. C’est le premier synthétiseur à être vendu dans les magasins de musique.

Le Moog Modular System 55

Découvrez comment les pionniers des synthétiseurs ont créé des bandes originales de films emblématiques dans notre article Top 10 des partitions de films d’horreur à travers les décennies.

En entrant dans l’ère numérique des synthétiseurs, il est impossible de ne pas mentionner le Yamaha DX7. Il s’agit de l’un des premiers succès dans le domaine des synthés numériques. Le son de piano électrique doux et agréable que l’on peut entendre dans de nombreux hits lui est dû. Des artistes comme Michael Jackson, Kenny Loggins, Whitney Houston et A-Ha ont tous utilisé le DX7 dans des chansons populaires. Alors que d’autres synthétiseurs étaient qualifiés de « chaleureux », celui-ci était surtout « brutal » et « cristallin », et produisait un contraste sonore puissant. Si vous êtes un fan du film Top Gun, vous connaissez le tube absolu « Danger Zone » de Kenny Loggins. Ces cinq premières notes de basse provenaient du préréglage « Bass 1 » de ce synthétiseur.

Kenny Loggins – Danger Zone (Official Audio – Top Gun)

Le Roland Juno-6 est un autre incontournable des années 80. Apprécié pour ses diverses fonctions, comme l’effet chorus intégré, des artistes comme WHAM!, Madonna, Cyndi Lauper et The Eurythmics ont connu un grand succès en produisant de la musique avec ce synthé.

Cette machine est purement analogique, ce qui veut dire qu’elle utilise des circuits contrôlés par tension, tels que des oscillateurs, des filtres et des amplificateurs pour générer des sons, contrairement à un synthétiseur numérique qui utilise un ordinateur pour générer des sons. Les synthétiseurs analogiques sont généralement réputés pour avoir un son plus chaleureux et riche. D’autres synthétiseurs analogiques de cette époque étaient l’Oberheim OB-Xa, le Prophet-5 et le Roland Jupiter-8.

Voici une playlist Spotify comprenant des chansons composées avec le Juno :

Guitares

L’un des sons de guitare les plus populaires de l’époque a été obtenu avec une Fender Stratocaster. Les guitaristes connus pour avoir joué de la Stratocaster sont Stevie Ray Vaughan, Jeff Healey, Rory Gallagher, Mark Knopfler, Nile Rogers et bien d’autres encore. La plupart des sons de guitare étaient clairs plutôt que distordus, bien que de nombreux guitaristes de rock n’hésitaient pas à utiliser la distorsion. Certains guitaristes utilisaient des effets temporels comme le chorus, le flanger, la reverb et le delay pour obtenir un son riche. D’autres utilisaient même des « splitter boxes » pour diriger le son de la guitare vers deux amplis distincts pour obtenir une image stéréo plus large.

Une autre tonalité de guitare populaire était le flanger, le phaser ou la distorsion de chorus que l’on retrouve dans plusieurs chansons comme « Ain’t Talkin’ ‘Bout Love » de Van Halen, et « You Give Love a Bad Name » de Bon Jovi, pour n’en nommer que quelques-unes. Pour obtenir cette technique, les guitaristes plaçaient leurs paumes sur le chevalet de la guitare afin d’étouffer toute résonance provenant des cordes de la guitare. Cette tonalité était davantage utilisée dans le genre rock qu’ailleurs.

Batterie

Cette décennie a également apporté un grand changement au son de la batterie. Les kits de batterie sont devenus de plus en plus gros et flashy – pensons au kit de Neil Peart de Rush, au kit d’Alex Van Halen de Van Halen, ou celui de Phil Collins de Genesis. L’utilisation de reverb à grille était très populaire et permettait aux batteurs d’avoir l’impression d’être dans une arène alors qu’ils se trouvaient dans un studio à l’acoustique morte. 

Parmi les chansons qui utilisent cette technique, on trouve In « The Air Tonight » de Phil Collins, « Right Now » de Van Halen et « Time Stand Still » de Rush.

Phil Collins – In the Air Tonight

Au même moment, les boîtes à rythmes font leur apparition. La Linn LM1, la Roland TR-808 et l’E-Mu Drumulator étaient parmi les plus populaires de la décennie. Ce qui était génial avec ces boîtes à rythmes, c’est que chaque séquence de batterie était quantifiée, ou fixée à une grille rythmique. Cela permettait parfois aux morceaux d’être plus « serrés » au niveau du temps. Les batteurs mélangeaient souvent des batteries acoustiques avec des sons de boîtes à rythmes pour créer une texture intéressante des éléments percussifs d’une chanson.

Le TR-808 de Roland

Composition musicale distincte

Au-delà de l’utilisation caractéristique du matériel audio, les années 80 se sont aussi définies par l’apparition d’accords, de mélodies et de rythmes distinctifs. L’utilisation des « sus », ou accords suspendus, était très répandue sur le clavier et la guitare. Ces harmonies oniriques ont été créées par pure innovation : certains synthétiseurs avaient une polyphonie limitée, signifiant que seulement un certain nombre de notes pouvaient être jouées en même temps. Par exemple, le Juno-6 avait une polyphonie à 6 voix, et donc seulement 6 notes pouvaient être jouées en même temps. Le Jupiter-8 avait une polyphonie à 8 voix – le nom du synthétiseur était souvent lié au nombre de voix qu’il comportait. Cette limitation forçait les musiciens à trouver des progressions d’accords qui sonnaient aussi pleinement que possible tout en n’utilisant que quelques notes.

Comme mentionné plus tôt, un grand nombre de chansons des années 80 incluent des boîtes à rythmes. Comme elles étaient relativement nouvelles à l’époque, c’était la norme d’entendre des chansons avec des motifs de batterie basiques. Les artistes n’expérimentaient pas avec la boîte à rythmes, mais l’utilisaient plutôt pour créer une base solide sur laquelle composer une chanson. « Tarzan Boy » de Baltimora reprend le même rythme en boucle tout au long de la chanson – avec la grosse caisse sur le 1 et le 3, et la caisse claire sur le 2 et le 4. Les hi-hats complètent l’ensemble en jouant des croches. 

Pour ce qui est des lignes de basse marquantes de l’époque, elles étaient souvent jouées au synthé. Bon nombre de chansons des années 80 ont des parties de basse qui sont presque trop compliquées à reproduire sur une guitare basse électrique puisqu’elles ont été jouées sur un clavier.  La célèbre chanson « Time After Time » de Cyndi Lauper entre dans cette catégorie.

Mais qu’est-ce qui fait que le son caractéristique des années 80 plaît à tant de gens? Peut-être parce que rien de semblable n’avait jamais été fait auparavant. Le mélange de boîtes à rythmes, de lignes de basse au clavier, de synthés et de voix a ouvert une toute nouvelle forme de production musicale qui a bouleversé la culture pop.

Les années 80 aujourd’hui

Les influences musicales des années 80 sont plus que pertinentes aujourd’hui : elles sont devenues courantes. Les artistes utilisent constamment des sons rendus populaires par les générations qui les ont précédés. Ironiquement, la technologie d’aujourd’hui nous permet de recréer des éléments du passé. Prenons l’exemple de Charlie Puth. Son utilisation de matériel musical vintage est une ode aux années 80, avec une touche de modernité. The 1975 en est un autre exemple. Leur musique se compose d’accords de guitare rétro, de sons de synthétiseurs et de lignes de basse. Certains de ces artistes tentent de réinventer la musique populaire en empruntant à la génération de leurs parents.

The 1975 – Oh Caroline (Official Video)

Il est impressionnant de voir comment la musique d’il y a plus de 40 ans continue d’affirmer sa présence dans la culture pop et la production musicale actuelle. Qu’il s’agisse des bandes originales de séries télévisées récentes comme Stranger Things, ou de groupes populaires comme The 1975 ou The Weeknd, les années 80 continuent d’avoir un impact sur les artistes des générations qui les suivent. Nous sommes à un point où la musique inspirée des années 80 que nous entendons aujourd’hui n’est pas un retour – c’est un genre à lui tout seul.

Texte par Liam Clarke
Traduit par Maryse Bernard

Illustrations par Yihong Guo