Ce n’est pas un secret : la préoccupation croissante pour le bien-être de notre planète a fait de l’environnement un élément central de notre mode de vie et de nos activités, et l’industrie musicale ne fait pas exception à la règle. Bien qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, nous commençons à voir des changements positifs : les entreprises et les artistes adoptent des pratiques plus respectueuses de l’environnement et lancent des initiatives de développement durable dans l’espoir de créer un avenir plus vert.
Dans cet article, nous explorons quelques-unes des dernières initiatives environnementales de l’industrie musicale, notamment les tournées vertes, la collecte incitative des déchets et la réduction des émissions de carbone.
Consommation de musique verte
Si le passage des cassettes et des CD à la diffusion en continu peut sembler une amélioration pour l’environnement (moins de matériaux non réutilisables et de toxines), il s’avère que la diffusion en continu de musique peut également être néfaste pour la planète. Le streaming nécessite d’énormes quantités d’énergie pour alimenter les serveurs des centres de données du monde entier, tout comme le transfert de ces données sur l’internet.
Afin d’atténuer cet impact, certaines plateformes numériques s’associent à des organisations qui les aident à compenser leur empreinte carbone en soutenant des projets de reforestation ou en investissant dans les énergies renouvelables. Spotify, par exemple, a abandonné ses centres de données traditionnels au profit de la plateforme Google Cloud, neutre en carbone, dont la mission est d’alimenter ses centres de données en énergie propre d’ici à 2030. Bien qu’il s’agisse d’un pas dans la bonne direction, ce n’est pas encore suffisant pour neutraliser les émissions de carbone causées par le streaming, et les amateur.rice.s de musique devraient continuer à pousser ces grands DSP à trouver des solutions.
Par ailleurs, nous assistons à une modernisation du processus de production des disques vinyles et de leur emballage, qui sont désormais fabriqués à partir de matériaux recyclables et contiennent moins de PVC (chlorure de polyvinyle).
Événements et tournées écologiques
De nombreuses organisations et artistes qui prônent le changement et les pratiques durables se concentrent sur les festivals, les concerts et les tournées, car ils sont responsables d’une part importante de l’empreinte environnementale de l’industrie musicale – 405 000 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par an, selon les estimations (2019).
Parmi les initiatives les moins complexes, citons la réduction du nombre de billets imprimés et d’affiches, la plantation d’arbres pour chaque billet vendu et la réduction des plastiques à usage unique grâce à des stations de recharge d’eau, des récipients réutilisables pour les boissons et des emballages alimentaires biodégradables. Des solutions assez simples, mais dont l’impact est notable.
L’industrie tente de s’attaquer à des problèmes plus complexes, comme l’utilisation de sources d’énergie renouvelables pour alimenter les scènes et les infrastructures, la réduction de la consommation d’énergie des transports de tournée, la compensation des émissions dues aux déplacements des spectateur.rice.s et la mise en œuvre de processus efficaces de gestion et de recyclage des déchets.
Comment les artistes et les entreprises font évoluer le secteur de la musique en direct :
Si les artistes n’ont pas les outils ou les compétences nécessaires pour adopter des pratiques plus écologiques, ils ont l’influence nécessaire. Des musiciens comme Billie Eilish, Coldplay et Drake ont commencé à rendre leurs tournées plus écologiques en s’associant à des organisations comme Reverb, qui fournit des ressources et aide les artistes et leurs équipes à réduire leur impact sur l’environnement pendant les tournées.
La réduction des émissions de carbone après les tournées est une autre initiative prise par des groupes comme Pearl Jam. Depuis 2003, le groupe mesure méticuleusement les émissions de dioxyde de carbone de ses tournées et les compense en allouant une partie des bénéfices de ses tournées à des programmes environnementaux.
D’autres artistes, comme BLOND:ISH, ont commencé à utiliser ce que l’on appelle les « green riders », une version écologique des « riders » conventionnels où les pratiques environnementales sont non seulement encouragées, mais exigées des artistes s’ils sont censés jouer dans le lieu ou l’événement en question. Cela pousse les entreprises de spectacles à opérer des changements importants, comme l’approvisionnement en nourriture durable ou l’installation de panneaux solaires sur leur toit. Bye Bye Plastic (cofondé par BLOND:ISH) fournit gratuitement aux musicien.ne.s un « Eco-Rider » qu’ils peuvent utiliser pour leurs propres représentations. L’organisation dispose de plusieurs autres outils et programmes, dont The Climate Gig, qui finance et achète du carburant durable pour les vols commerciaux des artistes.
En ce qui concerne le transport, certains musicien.ne.s font également des efforts en utilisant des véhicules électriques ou des bus de tournée au biodiesel pour réduire leur consommation d’énergie. Pensez au train plutôt qu’à l’avion. Le festival néerlandais ESNS a lancé le programme Green Touring Support, qui couvre les coûts supplémentaires encourus par les artistes en tournée qui adoptent des options plus respectueuses de l’environnement.
Pourtant, si les artistes pensent que leurs propres déplacements sont un problème, ce sont souvent les déplacements du public qui sont les plus problématiques. Le Sommo Festival, basé à l’Île-du-Prince-Édouard, a abordé ce problème en proposant des services de navette vers et depuis son site (éloigné) et des stations de vélos sécurisées pour promouvoir un transport plus écologique. D’autres festivals, comme Splendour in the Grass en Australie, proposent des billets qui permettent aux spectateur.rice.s de payer un petit supplément pour compenser leur empreinte carbone, les fonds allant à des projets écologiques locaux.
Inciter le public à participer à des initiatives écologiques s’est également avéré payant. Leeds Festival a créé un programme de collecte des déchets dans le cadre duquel les participant.e.s pouvaient gagner 1 livre sterling pour chaque dizaine de gobelets et de bouteilles qu’ils récupéraient pour les recycler. En 2017, le festival a réussi à collecter un total de 250 000 gobelets et bouteilles en plastique grâce à cette stratégie.
Pour ceux et cqui ne savent pas par où commencer, il existe des experts en développement durable, comme A Greener Future, qui proposent des consultations, des formations et des certifications pour les organisateurs d’événements, les fournisseurs, les sites et les équipes d’artistes.
Marchandises et emballages verts
Un autre domaine dans lequel des progrès ont été réalisés est celui des marchandises et de l’emballage. De nos jours, les produits dérivés sont un aspect lucratif de l’activité d’un.e artiste ou d’un groupe, mais malheureusement, les processus de fabrication et d’expédition sont nocifs pour la planète – sans parler des déchets ultimes générés par les matériaux non réutilisables. Pour remédier à cette situation, on observe aujourd’hui une utilisation accrue de coton 100 % biologique ou de tissus recyclés afin de réduire les quantités d’eau et de produits chimiques utilisées dans le processus de production. Pour minimiser les déchets d’emballage, Reverb suggère d’utiliser des boîtes et des enveloppes 100 % recyclées et d’éviter les options d’expédition accélérée.
Les prochaines étapes
Si la plupart des acteurs de l’industrie musicale n’en sont qu’au début de leur transition vers le développement durable, certains d’entre eux montrent la voie et donnent l’exemple aux autres. Le Hillside Festival, basé à Guelph, en Ontario, s’est engagé à devenir plus écologique il y a plus de trois décennies et a même été récompensé pour cela. Parmi ses initiatives, on trouve un « toit vivant » au sommet de la scène principale, un système complet de collecte des déchets (pour les ordures, le recyclage et le compost), un lave-vaisselle sur place pour la vaisselle et les couverts réutilisables, un service de navette, des stations de remplissage d’eau gratuites et une station de recharge à l’énergie solaire. Dans un monde idéal, cela deviendra la norme du secteur dans un avenir proche.
Entre-temps, de nombreuses organisations s’efforcent d’atteindre des objectifs spécifiques : Live Nation Entertainment vise à réduire de 50 % ses émissions de gaz à effet de serre et à éliminer ses déchets de décharge d’ici 2030. Le Latitude Festival s’est engagé à réduire la consommation de diesel et les déchets de 50 % d’ici 2025, avec l’aide de l’organisation à but non lucratif Julie’s Bicycle.
Sachant que l’industrie devra procéder à des changements majeurs pour réaliser des progrès à long terme, certain.e.s se tournent vers l’innovation. En 2019, le groupe britannique Massive Attack a chargé le Tyndall Centre for Climate Change Research d’étudier en profondeur l’impact de ses tournées et de créer une feuille de route interdisciplinaire permettant au secteur de la musique live de réduire ses émissions de manière proactive (plutôt que d’utiliser des « systèmes de compensation carbone » par la suite). Le groupe de recherche est composé de scientifiques, d’économistes, d’ingénieur.e.s et de spécialistes des sciences sociales dont l’objectif est de faciliter la transition de la société vers un avenir à faible émission de carbone. Cela signifie qu’il faut changer la façon de faire les choses, du début à la fin et sur tous les fronts.
Un concept similaire, connu comme « audit vert », consiste à évaluer l’impact climatique d’un événement ou d’une organisation et à identifier les moyens de devenir plus respectueux de l’environnement. La section canadienne de Music Declares Emergency propose ces audits, entre autres, mais les ressources sont limitées. « Il y a peu de personnes formées pour le faire au Canada à l’heure actuelle », selon la coordinatrice Kim Fry.
Tout le monde y gagne
Le développement durable n’est pas seulement une nécessité morale ; c’est aussi une décision stratégique et lucrative pour les entreprises. Un engagement en faveur de pratiques respectueuses de l’environnement trouve un écho auprès des mélomanes du monde entier, de plus en plus conscient.e.s, favorise la loyauté et la confiance et, contrairement à la croyance populaire, peut également entraîner des économies grâce à une meilleure efficacité, une réduction des déchets et une optimisation des ressources. Les artistes et les organisations peuvent se positionner en tant que leaders de l’industrie, tout en ayant un impact positif sur leurs résultats et sur la planète. Il est également essentiel d’éduquer les fans et de les inciter à faire des choix conscients. Et lorsqu’il s’agit de l’avenir de notre environnement, chaque effort compte.
Écrit par Andria Piperni
Illustration par Holly Li