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Hanorah, musicienne montréalaise, est une bête de scène – forte, puissante, émouvante. Elle peut chanter le blues, bercer nos oreilles, se lancer dans un solo de guitare enflammé ou nous faire danser toute la nuit. Mais ce qu’elle fait de mieux, tout simplement, c’est d’être elle-même.

À l’avant-scène 

Couronnement d’une carrière musicale déjà très riche, Perennial, le premier album d’Hanorah, est sorti en octobre 2022. Aujourd’hui, la musicienne s’apprête à reprendre la route, une aventure à laquelle elle n’est pas étrangère. Au cours des prochaines semaines, elle se rendra notamment sur la côte ouest, aux États-Unis, en Australie et au Royaume-Uni, ce qui constitue une première pour la musicienne. « J’essaie de ne pas paniquer. Mais je suis tellement excitée », confie la chanteuse. 

Crédit photo: Monse Muro

Peu importe si l’endroit lui est familier ou non, Hanorah se sent toujours chez elle sur scène. Tout le plaisir est là, alimenté par son énergie manifeste de frontwoman: « C’est moi la boss, c’est moi qui commande. Je suis au cœur de l’action. Et je raconte des histoires, je chante à pleins poumons et je saute partout. »  

Cette fois-ci, elle sera en tournée avec son groupe. « J’adore la sensation du rythme de la batterie et de la basse qui envahit mon être. Et il y a toutes nos harmonies, ainsi que la sensation physique de générer des sons avec ma voix. c’est tout simplement incroyable. Ça me remplit de bonheur », raconte Hanorah avec enthousiasme. Les musiciens avec qui elle partage la scène sont plus que de simples collègues. « On devient vraiment comme une famille, on apprend à gérer toutes les différentes personnalités, à savoir quand suivre leurs conseils, quand insister sur certaines choses. Ils m’apprennent énormément », déclare-t-elle. 

Sans formation musicale préalable, la musicienne a appris son métier sur le terrain. Et pour cela, elle remercie ses pairs. « Au fil des années, ils m’ont appris énormément sur la manière de se produire et de faire des spectacles. Que ce soit comment configurer mes câbles, déterminer la liste des chansons à jouer et la façon d’en établir une, et agencer les chansons de sorte à leur donner un sens », dit Hanorah.

Prendre les commandes

Hanorah ne se montre pas non plus timide en studio. « Je préfère écrire et faire des démos à la maison, où c’est plus intime et où je peux prendre tout le temps dont j’ai besoin. En studio, la pression est au rendez-vous, je dois obtenir les bonnes prises. J’aime ça », déclare-t-elle. Exactement comme sur scène, Hanorah est aux commandes lorsqu’il s’agit d’enregistrer. Pour la musicienne, la création musicale se poursuit largement au stade de l’enregistrement, et ce même après que les éléments de base aient été définis, et le morceau composé et arrangé. « Ce qui compte, c’est le processus d’expérimentation. Parfois, c’est difficile de convaincre les gens de se lancer dans des expérimentations s’ils pensent qu’on va seulement dans une direction», concède-t-elle. 

Pour la chanteuse, il est tout aussi important de faire valoir son point de vue et de collaborer avec l’équipe d’enregistrement: « J’aime travailler avec des gens qui sont d’accord avec moi, qui me donnent de l’espace pour me réaliser. Je ne suis pas qu’une simple chanteuse à qui on doit dire quoi faire. J’ai aussi des idées, et il s’agit d’une collaboration. Je suis loin d’être une jolie voix qui attend que tout le monde y mette son empreinte musicale. C’est moi qui mène le bal. »

Artiste à l’œuvre

Crédit photo: Monse Muro

Dernièrement, l’écriture occupe une grande place dans les pensées d’Hanorah. « L’an dernier, lorsqu’on était en studio et que les autres n’avaient pas nécessairement besoin de moi, je décrivais la scène dans mon journal, comme s’il s’agissait d’un roman. J’y décrivais les gestes du producteur et les sons que j’entendais dans la pièce à titre d’exercice », se remémore-t-elle. Tenir un journal lui a fait découvrir son goût pour la fiction. « J’aime vraiment ça. Je termine un texte, j’en commence un autre, et ça m’inspire le suivant. Ça m’a aussi fourni des idées pour le prochain album. C’est comme si tout se nourrissait mutuellement », dit-elle. 

Une autre percée s’est faite en rejoignant Ensoul Records, une maison de disques qui partage ses convictions. « Je voulais un label qui respecte ma vision et qui soit prêt à soutenir ce que je fais et à travailler ensemble, et non à m’imposer ce que je dois faire et mon style », indique la chanteuse. Lorsque différents partis interviennent, il est parfois difficile de faire valoir son point de vue face à leur opinion. « Je croyais savoir exactement ce que je faisais quand j’ai commencé. Puis, en signant avec un label, on se retrouve face à tout plein de gens, et ils ont leur propre idée de ce que vous êtes », évoque-t-elle en faisant allusion à sa propre expérience. 

Être cantonnée dans une catégorie, très peu pour Hanorah. Cette tendance se manifeste souvent au détriment des artistes BIPOC. Comme le dit la musicienne, c’est « comme si leurs yeux trahissaient leurs oreilles ». L’artiste se débat avec l’étiquette de chanteuse soul qu’on lui accole systématiquement. « J’ai beaucoup de mal avec ça. Vocalement, je suis très inspirée par le blues. Cependant, les sonorités qui gravitent autour vont bien au-delà », explique-t-elle, soulignant son intérêt pour le grunge, le rock progressif des années 80 et le disco des années 70. 

L’humain derrière les chansons

Si Hanorah prend librement le micro, cela ne signifie pas qu’elle est prête à se donner en spectacle tous les jours. Les artistes, souhaite-elle rappeler au public, sont aussi des gens ordinaires. En 2015, la musicienne s’est mise à écrire des chansons traitant de son cheminement suite à des agressions sexuelles. Si peu de gens le faisait à l’époque, et les choses ont beaucoup évolué depuis, y compris la relation du public avec ce sujet. Plusieurs se permettaient de lui raconter leurs propres témoignages de violences subies. Si partager son expérience s’est avéré libérateur, Hanorah est désormais décidée à explorer d’autres sujets dans sa musique. 

« Il existe à mon avis une fausse croyance selon laquelle on est assez fort pour tout encaisser, et qu’il est raisonnable et approprié de le faire. La vérité est que les humains sont des êtres extrêmement sensibles et qu’ils ne veulent pas connaître les expériences les plus traumatisantes de chacun. Ça ne fait pas partie de mon travail », estime la chanteuse, qui par ailleurs excelle dans son art.

L’artiste veille clairement à s’éloigner des algorithmes des médias sociaux et des services de streaming, où elle constate un manque de variété musicale. « J’essaie juste de rester inspirée en m’assurant de ne pas rester coincée dans cette boucle où on entend les mêmes voix et les mêmes sons sur l’internet. Sinon, on commence à leur ressembler », avance-t-elle. Malgré la distraction et la pression des réseaux sociaux Hanorah préfère entretenir un public venu pour la musique. « Je veux écrire des chansons et me produire sur scène, et c’est là que je mets mon énergie. Je veux que ma voix soit impeccable à chaque fois que je monte sur scène. Et je veux donner aux gens un spectacle qu’ils n’oublieront jamais. » 

Texte écrit par Christelle Saint-Julien

Illustration par Yihong Guo