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Comment se retrouver à travailler sur les grandes scènes du Québec pour des artistes comme Lady Gaga, Enrique Iglesias, Genesis, Roger Waters ou Daddy Yankee ?

Depuis toujours fan de concerts et très curieuse de ce qui se passe derrière la scène, quand Paulina Piñero s’y retrouve, un tout nouveau monde s’ouvre à elle. Elle nous raconte son parcours et ses expériences dans cette entrevue avec RAC.

Installations sur la scène principale lors du concert de Maluma au Centre Bell pour son « Tour, Papi Juancho », en octobre 2021

Tout prend forme quand je prends mon marteau et que j’assemble les structures scéniques; c’est comme si je construisais un « légo géant ».

Aujourd’hui Paulina Piñero est plus que reconnaissante d’avoir eu l’opportunité de faire partie des équipes qui ont travaillé en coulisses de grands spectacles. Même en travaillant comme machiniste ou charpentière derrière la scène, elle reste toujours épatée de voir toute l’organisation et les ressources nécessaires pour qu’un concert ait lieu.

En 2016, l’artiste aux multiples talents diplômée de RAC ne sait pas ce qui l’attend lorsqu’elle met les pieds au Centre Bell après qu’on l’ait contacté pour un show de Justin Bieber. Ils la convoquent : « Soyez là à 9h00 et apportez vos bottes à cap d’acier, casques et outils. » C’est tout. Quoi répondre à ça ?

Paulina: Bien sûr, j’ai dit oui ! J’étais ravie parce que je sentais que c’était rapide sachant que je venais de terminer l’école il y a un mois. Je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait et de ce qu’il fallait faire ! Une fois arrivée sur place, ils m’ont dit que je faisais partie de l’équipe vidéo.

Nous devions installer les écrans et travailler en étroite collaboration avec l’un des chefs d’équipe pour installer les lentilles de caméras qui seraient utilisées pour le spectacle. J’ai suivi les instructions de l’équipe de tournée. 

J’avais un peu de difficulté à saisir ce qui se passait, mais j’ai lentement commencé à comprendre tout ce qu’il faut pour construire un spectacle dans un temps limité.

Chaque spectacle est différent, c’est ce qu’elle aime dans ce travail :

« Je suis extrêmement reconnaissante parce qu’il y a toujours une rotation des équipes, ce qui nous permet d’apprendre énormément. En tant qu’équipe locale des spectacles, nous sommes appelés à aider l’équipe de tournée pour la journée afin de tout mettre en place. »

Installations pour le Piknic Électronik en 2017 au Parc Jean Drapeau

« Prendre part à un spectacle en installant des lumières ou en étant menuisière, et, pour le suivant, monter la scène avec les accessoires, s’occuper de la vidéo ou faire les lignes arrières, etc., vous permet toujours d’apprendre quelque chose de nouveau. 

J’aime le fait que j’apprends constamment et que ce n’est jamais la même chose. 

Vous rencontrez des personnes différentes, faites quelque chose de différent à chaque fois et quand vous voyez le résultat final, vous réalisez l’intensité du travail que tout le monde met dans cela. »

Mais avant tout, l’insatiable des festivals est inspirée par les personnes avec qui elle travaille en arrière-scène. La communication est la clé : « Dans un environnement agité comme celui-là, il faut s’exprimer clairement pour dire ce qui doit être fait et demander de l’aide pour y arriver. » Autrement pas de show !

Qu’elle soit derrière la scène, sur les planches, derrière la console, manipulant les fils électriques ou en travaillant avec les techniciens afin de mettre en place les structures électriques et moteurs qui propulsent la plateforme où se tient Kanye West dans son « Saint Pablo Tour », elle sait qu’elle est à sa place. Pourtant, ce n’était pas si clair à ses débuts. 

Paulina: ​​J’ai toujours voulu être productrice audio mais je ne connaissais pas l’entièreté du processus. Heureusement, j’ai eu l’occasion d’apprendre tout cela ici à RAC.

En premier, je voulais devenir ingénieure de son. Quand j’étudiais, j’avais la tête partout ! Je ne pouvais me faire une idée parce qu’à chaque fois qu’on nous enseignait quelque chose de nouveau, je voulais le faire.

Une fois que nous avons commencé à apprendre les bases de la sonorisation puis à installer les hauts parleurs, les moniteurs et comment accorder la salle, c’est ce que j’ai trouvé le plus amusant !

Et quand j’ai commencé à travailler régulièrement pour la construction des concerts et que j’ai vu ce parcours devenir une réalité, j’ai découvert que je l’aimais vraiment ! Je crois que j’ai commencé à recevoir beaucoup d’appels durant l’été 2016. Je me suis dit « ça y est ». J’ai aussi pensé que c’était très gratifiant et je m’attendais pas à ça puisque je pensais plutôt me concentrer sur l’audio. Au lieu de cela, j’ai fait beaucoup d’autres choses.

Mise en place des armatures qui transportent les moteurs qui suspendait la scène pour le concert de Kanye West pour son Tour, « Saint Pablo », en septembre 2016

RAC : Mise à part avoir la vie de Kanye West entre les mains, qu’est-ce que vous aimez le plus de vos journées au boulot sur les planches en tant que machiniste, charpentière ou comme technicienne ?

Paulina : Il y a 2 moments que j’aime le plus pendant les spectacles :

Quand nous sommes au moment où nous n’avons pas complètement terminé, mais que nous voyons comment tout prend forme et pouvons avoir une idée de quoi aura l’air le spectacle. J’aime aussi voir tout le monde dans son propre département travailler et voir les choses commencer à prendre forme. À quoi ressemblera la scène, les lumières et comment elles sont installées puis le mur vidéo, etc.

L’autre moment, c’est quand nous entrons dans l’amphithéâtre pour démonter la scène et nous voyons le public s’éloigner ou regarder les lieux en admiration de ce qui vient de se passer et chacun d’eux viennent de voir leur artiste préféré. 

Chaque fois à ce moment, je suis impressionnée par les efforts que tout le monde fait pour que le public ressente cela.

RAC : Auprès de quel(s) artiste(s) et quelle(s) équipe(s)  avez-vous apprécié le plus travailler ?

Paulina: L’équipe avec laquelle j’ai le plus aimé travailler était celle pour le concert de Kanye West. Cela a pris 2 jours: un pour le chargement et la mise en place, et, le second, pour le démontage. C’était l’année quand j’ai commencé à travailler dans le milieu et l’équipe de tournée était extrêmement gentille et m’a beaucoup appris. 

Je n’ai pas pu voir le spectacle moi-même, à l’exception des photos de la tournée, mais cela m’a étonné parce que c’était quelque chose d’hors du commun pour une scène avec les accessoires, les lumières et un mur vidéo.

Aussi, je pense à la première fois que j’ai travaillé en tant que charpentière sur le spectacle de Lady Gaga sur son « Joanne World Tour ». C’était une autre équipe avec qui j’ai apprécié travailler.

Paulina a agit en tant que charpentière pour monter la scène B et les plateformes automatisées servant à  la performance de Lady Gaga lors de son « Joanne World Tour » en septembre 2017

RAC : Quel artiste avez-vous aimé le plus voir en live ?

Paulina : J’ai vu Carly Rae Jepsen deux fois et je dois dire qu’elle est l’une des meilleures artistes que j’ai vues. Quelle belle production et mise en scène ! J’ai enfin eu la chance de voir Wolf Alice cette année. Ils sonnent super en live et je trouve qu’ils ont une présence scénique très puissante – non pas que je sois biaisée parce que c’est l’un de mes groupes préférés… Paramore, Jungle, The Kills, Kraftwerk et The Sounds sont également en tête de liste.

RAC : Pour continuer dans la même direction, quel est votre groupe préféré en ce moment ?

Paulina : Foals. Je les ai beaucoup écoutés cette année et ils ont sorti un nouvel album intitulé Life is Yours. Hautement recommandé !

RAC : À part travailler sur les spectacles live, vous avez vos projets personnels et vous écrivez et développez constamment votre musique. Pouvez-vous nous parler de votre genre musical ? 

Paulina : J’écris et je chante toutes mes chansons. Je suis toujours en train de naviguer dans les genres et d’apprendre à me sentir plus à l’aise avec ma voix, mais la musique me plaît. Mon genre s’oriente plus vers un mélange de rock et de post-punk.

RAC : Merci de votre temps et générosité Paulina ! Maintenant, qu’est ce qui s’annonce musicalement pour vous en 2023 ? À quoi pouvons-nous nous attendre ?

Paulina : Mon plan pour le moment est de lancer mon EP qui contiendra des chansons sur lesquelles je travaille depuis un bon moment.

Cela me permettra d’aller de l’avant avec ce que j’ai écrit récemment et qui a été mis de côté et de clore ce chapitre de ma vie. Je crois qu’au final, mes deux projets n’auront pas le même son et le même style. C’est ce qui m’excite le plus ! Mais je verrai ça une fois que je commencerai à travailler sur cette nouvelle phase.

Le nom de l’EP sera Love, Corruption. Il parle des relations avec les autres et comment vous vous entourez de personnes dont vous savez qu’elles ne sont pas bonnes pour vous, mais vous voulez vous assurer qu’il doit y avoir quelque chose de bon.

En gros, c’est ce que j’appelle « frapper le mur 3 fois juste pour s’assurer que c’est bien un mur et qu’il ne se brisera pas ». Je le décrirais ayant une tournure rock avec quelques chansons qui sonnent un peu chaotiques. Pour moi, ça représente un bon équilibre entre les aspects du travail des émotions, l’apprentissage et à quel point cela peut être turbulent.

Aussi, c’est une autre façon de voguer à travers les émotions qui ne vous sont pas familières et d’apprendre à être vulnérable – mais il y a toujours une partie de vous qui finit par tout saboter.

Le parcours de Paulina Piñero dans la sortie de son EP reflète son parcours professionnel.

Son éveil artistique était constitué de sa volonté et de son ouverture à entrer dans un monde où elle n’avait pas d’attentes et ne pouvait pas prédire le résultat.

En définitive, elle a acquis beaucoup d’expérience auprès des gens avec qui elle a travaillé et, en bout de ligne, a découvert quelque chose qui est devenu une grande passion.

Texte écrit par Caroline Boivin

Illustration par Yihong Guo