fb

Unis par une connexion et une passion commune pour la scène artistique underground de Montréal, les DJs et organisateurs de la vie nocturne Lou Seltz, Oli Anthony et Taher Gargouri ont fondé FANTOM. Ce collectif à but non lucratif vise à assurer la sécurité, la durabilité et la solidarité des communautés queer/trans/PANDC/alliés.es de la ville qui travaillent et participent à la culture nocturne alternative. 

L’action collective, la défense des droits et le partage des connaissances et des ressources sont les principes fondamentaux au cœur de la mission de FANTOM, créée en réponse à la frustration des communautés victimes de violence, de harcèlement et d’exploitation. Les cofondateurs Oli et Lou ont pris le temps de discuter avec RAC des racines de la fédération, des principaux problèmes rencontrés par les membres de la vie nocturne underground montréalaise et de leur vision d’un avenir florissant et solidaire.

RAC : Merci d’avoir pris le temps de nous parler, Oli et Lou! Comment décririez-vous FANTOM et ce que vous faites ?

Oli : FANTOM est une réponse à une frustration partagée. C’est une réponse au sentiment d’impuissance en tant qu’individus.ues, en tant qu’ organisateurs.trices, en tant qu’artistes. Cela vient du sentiment que les options à notre disposition rendent impossible de maintenir ce que nous faisons, et de réaliser nos rêves pour ce que cette scène pourrait être – pour ce que toutes nos vies pourraient être – la nuit.

Lou : FANTOM c’est la Fédération pour les arts nocturnes comprenant les travailleur.euses et organisateur.trices de Montréal. Nous voulions que ce soit une fédération – un moyen pour les centaines de collectifs underground qui vont et viennent de comprendre et d’agir sur leurs besoins communs. 

RAC : Pouvez-vous nous parler de vos parcours dans le domaine des arts et de la culture, et comment vous vous êtes retrouvés sur la scène nocturne montréalaise?

Lou : Je joue de la guitare depuis que je suis bébé parce que mon père était luthier. J’ai eu la chance que notre maison soit pleine d’instruments et que mon père ait besoin de quelqu’un pour jouer le rythme et chanter pour pratiquer ses solos! J’ai commencé à jouer dans des groupes lorsque j’étais au Bard College, à New York, et j’ai déménagé à Montréal pour la scène musicale.

Je fais partie de la scène musicale montréalaise depuis longtemps, mais pendant la pandémie, je me suis davantage impliquée dans la vie nocturne en tant que DJ et organisatrice d’événements underground. Pour moi, les différentes scènes musicales et électroniques ont toujours été plus que de simples activités à faire le soir. Elles me sont importantes parce qu’elles représentent aussi des espaces où les communautés alternatives peuvent se rassembler et construire une communauté.

Oli : J’ai vécu à Montréal toute ma vie, et il y a eu des moments où j’ai plus ou moins participé à la vie nocturne underground. Certaines années, je ne sortais presque jamais danser, alors que d’autres, les raves étaient parmi les choses les plus importantes pour moi, autour desquelles je planifiais ma vie. C’est un domaine dans lequel j’ai toujours eu une grande vision de ce que j’aimerais voir. Mais je n’ai jamais eu l’impression que c’était le bon moment pour que ces visions deviennent réalité, jusqu’à aujourd’hui. 

RAC : Quel a été le catalyseur qui vous a donné envie de lancer quelque chose de nouveau pour combler un vide à Montréal? Qu’est-ce qui manquait, selon vous?

Oli : Depuis un an ou deux, on avait des idées d’événements qu’on trouvait intéressants, amusants et peut-être nouveaux pour la scène. On a passé tout notre temps à essayer de trouver des espaces pour organiser ces événements et on a trouvé qu’il était très difficile d’entrer en contact avec les personnes qui les organisaient, probablement parce que les bons espaces manquent de ressources. 

Il était important pour nous de rencontrer autant d’organisateurs.trices que possible pour comprendre, dans leurs mots et de leur point de vue, ce dont ils ont besoin. Aucune des préoccupations n’est vraiment surprenante – il s’agit en général de soucis de sécurité, d’accessibilité financière, de fiabilité et d’accès à l’information.



Lou : Nous avons enregistré FANTOM en tant qu’organisme à but non lucratif à cause de Taher Garhouri, organisateur et DJ montréalais de longue date, et notre cofondateur. C’est lui qui nous a dit qu’il nous fallait une structure, un financement et des ressources additionnelles pour répondre à toutes ces frustrations partagées.  

Dans le cadre de nos activités de sensibilisation et de nos projets, on voulait s’assurer qu’on demandait des choses dont les gens ont besoin au-delà de notre communauté immédiate. C’est pourquoi on a lancé un sondage pour recueillir le plus grand nombre possible de points de vue et on a fini par obtenir plus de 100 réponses de DJs, d’organisateurs.trices et de travailleurs.euses de la vie nocturne, pour la plupart. La grande majorité des répondants étaient queer et beaucoup d’entre eux étaient PANDC, ce qui correspond à notre mission. Les thèmes principaux étaient ceux auxquels nous nous attendions : les problèmes liés à la perte de tous nos espaces underground, la sûreté, la sécurité et la transparence au sein de la scène.

Nous avons maintenant une équipe complète de chercheurs.euses qui analysent les résultats de l’enquête et nous commençons à travailler sur plusieurs projets basés sur ces résultats. FANTOM compte également organiser de nombreuses réunions de suivi pour discuter de ces questions ensemble. 

RAC: À quoi vont ressembler ces réunions de suivi ?

Oli : Nous prévoyons des ateliers de recherche de consensus. Plutôt que de nous concentrer directement sur l’action, nous allons explorer les problèmes clés et les questions inhérentes qu’ils soulèvent, et nous réunir pour discuter régulièrement de ces problèmes afin d’essayer de trouver un consensus qui nous permettra d’avancer à partir de là.

Une série d’ateliers pourrait porter sur la rémunération des artistes, par exemple, sur le recrutement de la bonne équipe de sécurité pour votre événement, ou sur la recherche de la salle appropriée à la taille de la foule. Nous voulons que chaque atelier se concentre sur une question spécifique afin que les conversations soient productives et que les participants soient sûrs d’assister aux bons ateliers selon l’expérience et les informations qu’ils ont à partager et sur lesquelles ils veulent en savoir plus. 

Gardez un œil sur les prochains événements de FANTOM : https://fantomtl.ca/events

RAC: Quels sont les événements à venir ?

Oli : Notre lancement aura lieu le 25 avril. Plus qu’un lancement, nous voulons que ce soit l’occasion pour toutes les personnes qui ont répondu à notre sondage, qui se sont portées bénévoles, qui ont dialogué avec nous sur les médias sociaux ou qui ont participé au panel Perma Culture que nous avons aidé à organiser en février, de se réunir et de voir que leurs réponses ont servi à quelque chose. Ils ont été entendus et ne crient pas simplement dans le vide.

C’est aussi l’occasion pour les gens de voir les projets que nous avons générés à partir des problèmes qu’ils ont identifiés. Ils pourront partager leurs réflexions sur ces projets et les résultats qu’ils espèrent obtenir. Cet événement permettra également de s’inscrire si l’on souhaite s’impliquer, et de rencontrer les autres personnes à bord.

Lou : Les personnes qui souhaitent participer peuvent s’inscrire – les billets sont gratuits ! C’est un événement à but non lucratif : nous ne gagnons rien à la porte, et toutes les ventes du bar vont à l’Union française, qui nous offre l’espace pour la soirée. 

Vous n’avez pas besoin d’être membre ou bénévole de FANTOM pour participer à la discussion, c’est pourquoi nous voulons organiser de plus grands événements comme celui-ci. 

Inscrivez-vous au lancement de FANTOM ici : https://www.zeffy.com/en-CA/ticketing/899c0735-82e0-4192-95e3-a1e0cf4496ce

RAC : Quelles ont été vos inspirations et vos influences pour créer cette organisation à but non lucratif pour servir la communauté ?

Oli : On ne peut pas parler de FANTOM sans mentionner certaines organisations qui travaillent à des objectifs similaires, peut-être de manière différente afin de répondre à des besoins légèrement différents, mais qui font un travail qui semble aligné avec le nôtre. L’organisation à but non lucratif MTL 24/24 est en tête de cette liste. Sans leur travail de développement et de mise en place de cadres pour la vie nocturne à Montréal, notre liste de choses à faire serait bien plus longue. 

Nous avons également été inspirés par les incroyables services offerts par le Groupe de recherche et d’intervention psychosociale (GRIP) et par PLURI en matière de réduction des risques. Ils ont beaucoup réfléchi à ces questions et toutes les personnes que nous connaissons qui ont travaillé avec eux chantent leurs louanges.

Un grand merci également à Danai pour nous avoir appris à devenir DJ. En partageant son studio avec ses amis et en les laissant venir danser, il a inspiré beaucoup de gens à penser à la musique de danse de façon différente. Je ne pense pas que nous aurions pu faire ça sans lui. 

Quel est votre plus grand objectif avec FANTOM ? 

Oli : Je pense que nous aurons fait le travail nécessaire lorsqu’il sera possible d’être un.e organisateur.trice, un.e artiste, un.e travailleur.euse ou un.e participant de la vie nocturne underground à Montréal, et d’avoir l’impression que le travail qu’on fait et les scènes qu’on apprécie sont durables et ne sont pas menacées. La vie nocturne devrait également être accessible à de nouvelles personnes, car c’est ce qui rend la scène si formidable : avoir de nouvelles personnes qui viennent essayer des idées.

Lou : Depuis le début, c’est grâce à la communauté. Nous comptons sur une équipe de 10 à 20 personnes qui consacrent beaucoup de temps et d’énergie à FANTOM et qui ont été si généreuses en partageant leurs réseaux et leurs ressources. Aujourd’hui, je sens que nous devons passer le relais et redonner à la communauté. 

Écrit et traduit par Maryse Bernard

Illustration par Yihong Guo