« En sortant de RAC, j’ai travaillé au Bourbon Street, un bar mythique. J’ai sonorisé des groupes comme Tea Party, Sum 41, Billy Talent, Tragically Hip, tous les groupes canadiens, etc. J’ai travaillé pour tout le monde à Montréal, TVA, Technicolor, Modulation. »
Quel est ton parcours?
Avant d’aller à RAC, j’étais musicien, dans le live. J’ai appris sur le tas. Pendant 12 ans, j’étais musicien et preneur de son. Cependant, je visais plus le studio. Mais, pour rentrer dans un studio, tu as besoin d’un diplôme. Je suis allé dans différentes écoles, mais soit le programme ne me rejoignait pas, soit cela manquait de rigueur.
Je suis allé à RAC. La personne qui m’a reçu m’a vraiment donné l’heure juste. J’avais aimé les installations. L’ambiance était bonne. Je me suis inscrit.
En sortant de RAC, j’ai travaillé au Bourbon Street, un bar mythique. J’ai sonorisé des groupes comme Tea Party, Sum 41, Billy Talent, Tragically Hip, tous les groupes canadiens, etc. Moi j’étais à la console de moniteur, je faisais le mix moniteur.
Quelques mois après la sortie de l’école, j’ai enfin reçu une réponse de Studio PR. Ils m’ont appelé. Ils faisaient du doublage de l’anglais au français, des montages sonores. C’est exactement ce que j’ai appris à l’école. J’étais là pendant 7-8 ans. Puis, j’ai décidé de travailler à mon compte, pendant 2 ans. J’ai travaillé pour tout le monde à Montréal, TVA, Technicolor, Modulation.
Puis, Vision Globale m’a appelé l’année passée pour m’offrir un poste. Je travaille sur l’émission « Trente vies » de Radio Canada. On a 4 heures pour mixer le show au complet. On mixe les dialogues, on mixe les effets, les bruits d’ambiance. Puis le lendemain, on mixe les musiques pendant 1 heure ou 2. Puis, c’est l’approbation du réalisateur pour le show et le show s’en va en onde le soir même. De septembre au mois d’avril, c’est intense, il faut livrer la marchandise.
Pourquoi as-tu choisi de devenir technicien de son?
C’est la musique qui m’a amené à cela. A un moment donné, je me suis mis à enregistrer. Et plus j’en faisais, plus je voulais en savoir plus. Et je ne me vois pas faire autre chose.
Je n’avais aucune connaissance préalable. J’enregistrais avec une carte de son. Cela sonnait correcte, mais pas comme à la radio. J’étais insatisfait du résultat. J’ai décidé de prendre une formation. A l’école tu fais des montages et je trouvais cela cool. Tu fais ton mix, tu écoutes ceux des autres, et tu es content, le mien est meilleur. Puis tu fais ton bruitage, du Foley. Tu découvres que tout ce que tu as connu tu viens de déconstruire cela en plusieurs particularités. En fait, ce que tu vois dans les films, le bruit réel est plate. Cela dure une seconde. En fait, tout est refait pour que cela sonne « larger than life. » En apprenant tout cela, il y a plein de portes qui se sont ouvertes et je voulais tout faire.
Donc, à l’école, cela a fait comme « Wow wow. » C’est sur qu’en musique, j’ai appris beaucoup de trucs, mais, c’est plus le fun cela pour moi. Je suis plus en post-prod. J’ai encore mon studio à la maison, et oui je réussis à faire des trucs qui sonnent très bien maintenant. C’est l’école qui m’a fait découvrir cela. Parce que, jamais je n’aurais pensé à cela tout seul.
Quelles habitudes as-tu développées pour avoir une solide carrière?
Toujours arriver en avance, être courtois, avoir un beau sourire, respecter les gens. C’est aussi important que d’avoir du talent dans ce que tu fais. De respecter les gens, que ce soit la personne qui passe le balai ou ton patron. La plus grande qualité, quand tu as des moments de stress intense pendant que tu travailles, et quand quelqu’un arrive, c’est de s’arrêter un moment et dire: « Salut, est-ce que je peux t’aider » ou bien: « Désolé, je ne peux pas pour l’instant. Je viens te voir dans 2 minutes. » Et de ne pas oublier d’aller le voir. De ne pas transmettre ton stress à la personne.
Si un client fait une demande stupide et qu’il te demande ton avis, donne-le lui d’une façon diplomatique. Peut-être qu’il n’aimera pas cela. Mais, il va respecter cela. Ne fais pas qu’acquiescer. Peut-être que cela va le rassurer de venir travailler avec toi. La qualité du travail est importante, mais la qualité de l’interaction avec tes confrères et consoeurs est aussi importante.
Quel est le rôle préféré pour toi dans une production?
Tout est le fun. Chaque étape a des défis différents. Au montage, tu vas créer une atmosphère. Si tu as envie de mettre des oiseaux, tu vas les mettre, peut-être c’est plus une cour d’école, peut-être une cuisine. Tu dois rajouter un « room tone », des voitures qui passent dans la rue, des oiseaux à l’extérieur. Des fois, tu vas avoir une note du réalisateur avec un aboiement de chien, mais toi tu peux rajouter ta touche, un supermarché avec des camions qui livrent la marchandise, etc. C’est des trucs qui rendent le montage le fun.
A la conception sonore, tu vas créer une vague, des drums, un film d’horreur. Cela n’existe pas, c’est toi qui le crée. C’est aussi le fun que de créer des montages. Au mix, tu prends tout cela et tu les doses. Le bruitage, ça c’est trippant. Encore là, tu es créatif au bout. Pour moi, toutes les étapes sont intéressantes.
Il y a aussi, l’enregistrement de voix, parce qu’on fait aussi beaucoup de post-synchro. Comme les films sont shootés à l’extérieur, il y a la perche, il y a les autos qui passent, un avion qui passe. Donc, visuellement, le jeu est super-bon avec l’acteur, mais le son l’est moins. Parfois, il faut refaire les dialogues en post-synchro avec l’acteur. Et on doit synchroniser le son avec le son original, couper les basses fréquences, salir un peu le son pour le rendre plus proche du son pris à l’extérieur et plus réel. Ça c’est un autre défi, autant à l’enregistrement, au mix, au montage, qu’à la conception.
As-tu des suggestions pour les personnes intéressées à démarrer une carrière dans l’audio ou la musique?
Même si tu n’es pas super bon mais que tu as une bonne attitude, tu vas apprendre. Parce que lorsqu’on sort de l’école on a une superbe base. Mais c’est sur le terrain qu’on apprend tout. Cette base-là va être fignolée, polie. Il y a plein de choses qui arrivent d’année en année, de nouvelles technologies, de nouvelles façons de faire. Il faut que tu t’ajustes toujours à cela. C’est la passion qui va t’aider à rester et à réussir. Si tu es vraiment passionné, déterminé à mettre les efforts, travailler dur, donner de ton temps à quelqu’un, tu vas réussir.
Au début, tu peux offrir tes services gratuitement, pour prendre de l’expérience, pour te faire connaître pendant un certain temps. Peut-être que tu vas faire juste regarder et écouter. Écoute les subtilités, c’est cela notre travail. Tu vas développer ton oreille. Regarde ce qu’ils font. Pose des questions au bon moment, lorsqu’il y a une pause. Développe ton expertise. Tu ne seras pas payé en argent, mais ce que tu vas apprendre va valoir beaucoup et va se refléter dans ton travail. Si tu n’es pas passionné, tu ne vas pas faire cela.
Même dans le milieu de la musique, c’est de plus en plus restreint. Tout le monde a des studios maison. Il y a une nouvelle clientèle de studios maison. Donc, tu peux être consultant pour eux. C’est un métier qui est exigeant. Mais avec Internet, il y a de nouveaux marchés qui s’ouvrent. Tu peux faire plein de projets sur Internet. Pas nécessairement de la musique, mais une web série, tu peux rencontrer des gens, et te faire connaître pour faire des montages sonores, mixer.
D’ou vient ta motivation pour faire ton travail?
Je respire cela, j’en mange. Au point que j’en oublie de manger jusqu’à ce que quelqu’un vienne cogner à ma porte. Et, c’est bon d’arrêter. Pour revenir frais et dispos, cela fait du bien aux oreilles et au cerveau.
J’ai déjà fait autre chose, mais c’est ici que je suis heureux. Je parle un langage que les autres comprennent. Je suis encore musicien. J’ai un éditeur. Je vends des toones à travers le monde. Mais, ce n’est pas cela qui me fait vivre. En ce moment, je fais des tests pour un jeu vidéo: Thief 4. J’enregistre des voix. Je travaille dans les deux langues.
Un souvenir de RAC qui t’a marqué?
Toutes les histoires de Matthieu. Toutes les anecdotes qu’il sortait. Il a une expérience de fou.
