En 2017, c’est dans un objectif d’autonomie artistique que Nychölas Bougie et Timothée Lucio se sont inscrits à RAC. Leurs chemins se sont croisés durant la formation mais c’est plus tard que les idées ont germé pour que voit le jour Les Entreprises HoneyPhonic. Sans aucune limite, aucune contrainte et avec une bonne dose de valeurs environnementales, ils sont maintenant les deux rois de la ruche.
Pour Nychölas, qui se nomme lui-même charmeur d’abeille, le nom d’HoneyPhonic prend tout son sens dans le monde de l’audio parce que les abeilles sont continuellement dans la vibration et le son. Pour les deux propriétaires, ce sont des insectes qui sont primordiaux dans tout ce qui a trait à l’agriculture et l’écosystème. Tout comme le son qui fait partie de nos vies au quotidien.
C’est pour cette raison que, dès que vous vous posez sur leurs pages web et réseaux sociaux, vous notez rapidement, en plus de leur vaste gamme de services audio, passant du bruitage à la musique de méditation, leur initiative d’aider à la sauvegarde des abeilles dans le monde.
RAC : Pouvez-vous nous parler davantage de votre implication pour la sauvegarde des abeilles? Est ce que vous êtes associés à un organisme quelconque?
Nychölas : Nous avions déjà un parcours engagé en tant qu’artiste. Moi en tant qu’auteur compositeur interprète, et Tim, en tant qu’artiste Hip Hop en France. D’une certaine façon, c’était important que nous ayons une mission pour notre entreprise. La protection des abeilles est très importante et on n’en parle pas beaucoup non plus. Nous avons approché quelques organismes mais notre principe n’est pas d’en choisir un précisément: c’est plutôt d’après la localisation du client.
Nous avons eu des projets avec des gens d’Atlanta, de Chine et même d’Afrique du Sud. Nous laissons au client le choix de quel organisme de la sauvegarde des abeilles avec lequel il veut faire affaire. C’est pour cette raison que notre différence est internationale. Notre impact n’est pas juste au Québec ou en France: c’est partout dans le monde.
Tim : Nous nous sommes aussi dit qu’on s’ouvrirait à tout type d’organisation environnementale qui a une cause importante. Ça nous tient à cœur si on peut faire quelque chose à notre échelle. Je suis allé voir chez moi, à Nice, et le problème avec les associations de ce genre, c’est qu’ils ont de bons projets mais qu’ils manquent d’argent pour pouvoir aller plus loin dans leurs actions. On s’est dit que ça serait sympa de donner 5% de ce que l’on gagne à chaque contrat et de le verser à ces associations qui pourront concrètement faire des actions qui vont avoir encore plus d’ampleur.
RAC : Qu’est ce qui vous à amené à offrir des services de production de musique de méditation? Est ce qu’il y a des demandes dans le marché?
Nychölas : J’ai été massothérapeute certifié pendant 16 ans. Déjà après 5 ans dans le milieu, je n’étais plus capable d’écouter les petites chutes d’eau et les chants d’oiseaux. J’ai commencé à chercher de la musique qui était un peu plus moderne. J’entendais aussi mes collègues massothérapeutes me dire la même chose. Alors pourquoi ne pas y aller et faire sa place dans le marché?
Tim : Et on s’est rendu compte en fait que c’est ça qui est génial: la musique ce n’est pas qu’être ingénieur du son, bosser pour des gros films et sortir des albums. Le son permet aussi de guérir beaucoup de choses. Par exemple avec les livres audio: c’est bon pour les enfants qui ont des difficultés à lire ou quoi que ce soit. Lorsqu’on regarde son écran toute la journée, ça fait du bien d’écouter un podcast ou un livre audio. Je pense que le son peut vraiment guérir.
Franchement, il n’y a pas de limite avec le son. C’est vrai que quand nous étudions, nous pensons que nous devons nous limiter à la musique ou alors la production de film. Mais finalement, ça peut aller beaucoup plus loin que ça.
RAC : En plus de la musique de méditation, vous offrez une vaste gamme de services audio: conception sonore et bruitage, livres audio, publicités, composition etc. Pourquoi avez-vous choisi d’ouvrir vos horizons au lieu de vous spécialiser comme beaucoup d’autres le font?
Nychölas : L’idée de base était juste de vendre des packs de sons pour les jeux vidéo. Finalement, tout ce que nous faisons se rejoint quelque part, que ce soit du bruitage, de la conception sonore ou de la composition musicale. Nous sommes polyvalents et aimons ça, alors pourquoi pas?
Tim : Les autres services sont venus avec le temps puisque nous avions plusieurs autres compétences reliées à nos expériences personnelles et celles apprises à RAC. Nous nous sommes dit qu’on pourrait en fait s’élargir et proposer toute une gamme de services et à partir de là voir qu’est-ce qui marche. Je pense qu’il ne faut pas rester que dans ce que tu sais faire ou dans ce que tu penses qu’il faudrait faire. Je trouve ça génial de pouvoir aller un petit peu partout et d’essayer de s’enrichir au maximum dans le marché de l’audio qui est un peu particulier.
Aujourd’hui, il y a même plusieurs marchés qui ne sont pas exploités au Québec si on compare avec d’autres endroits. Par exemple, le marché du livre audio. Nous sommes alors présents sur cette scène en attendant le futur.
RAC : Vous avez commencé l’entreprise en offrant différents coffrets de son UI (user interface) avec effets sonores (SFX). D’où est venue cette idée et quels sont des exemples d’utilisation concrète pour quelqu’un qui en achète?
Nychölas : À RAC, il y avait un professeur qui nous a dit que le marché était bon. Alors nous avons suivi son conseil. J’ai commencé mes recherches en participant à des Game Jams (des épreuves en ligne pour la création de jeux vidéo). J’ai remarqué que plusieurs personnes recherchaient des sons UI. Alors, nous avons commencé avec ça. Ça a été tout un processus de pouvoir trouver sur quelle plateforme les vendre. Chacune d’elles ont leurs conditions d’utilisation et politiques.
Nos clients.es peuvent être des programmeurs.euses qui savent quoi faire avec les sons. Mais nous offrons aussi un service d’intégration complète pour ceux et celles qui en ont besoin. Nous avons la certification Wwise pour l’intégration audio dans les jeux vidéo. Il faut savoir que, si vous voulez aller dans les jeux vidéo, vous devrez faire la formation Wwise puisque la plupart des clients vont la demander.
RAC : Entre autres, vous avez créé des effets (SFX) et bruitages pour le jeux vidéo Mr. Pocket’s Gold Rush et conceptualisé l’univers sonore et la musique d’un pilote d’une sitcom américaine à Atlanta. Quel(s) type(s) de projet préférez-vous?
Nychölas : Le bruitage et la conception sonore: je pense que les deux vont un peu de pair aussi. Le projet pilote à Atlanta a été notre expérience la plus enrichissante. C’était une demi-heure d’émission et il fallait créer une immersion sonore pour chacune des 11 scènes qui pouvaient être dans différents endroits. Nous avons aussi travaillé pour un jeu vidéo dans lequel il fallait faire des ambiances de Chine antique: deux villages et un champ de bataille. Il y avait des bruits d’épées, de chevaux et plein d’autres choses. Je pense qu’il a été l’un des projets les plus motivants pour moi.
Tim : C’est l’aspect créatif du bruitage: nous partons de rien et nous en faisons quelque chose. Par exemple, dans notre ambiance de village on peut entendre quelqu’un battre le fer: c’est moi avec un vase et une règle. C’est ça qui est génial dans le bruitage: c’est qu’on ne nous voit pas derrière le micro – nous partons de rien du tout, un tout petit clic, et créons une ambiance. Finalement le bruitage fait partie de tout, même la composition musicale.
RAC : À partir de quels outils, matériel ou idées conceptualisez et créez-vous vos sons?
Tim : C’est tellement large, ça peut partir autant d’un synthé que d’un micro. Nous nous servons d’un Zoom H5 pour le bruitage, c’est un enregistreur portable 4 pistes. Nous pouvons conceptualiser des sons à partir d’enregistreurs portables comme celui-ci, de micros ou dans les studios classiques, que ce soit pour les voix ou plus particulièrement pour le foley. En fait, nous n’avons pas besoin d’énormément de matériel, c’est beaucoup plus de la débrouille.
Nychölas : De mon côté j’ai beaucoup de VST (instruments de musique virtuels) donc je fais pas mal de sons avec ça. Mais nos idées partent premièrement des contrats que nous avons, des scripts et des images si elles sont fournies. Pour le podcast, par exemple, nous avons reçu le script avec le détail de chaque son que nous devions mettre et à quel moment. Donc là, c’est s’amuser avec la créativité pour faire des sons de pas, de vêtements, de chaises de bureau etc.
Pour un UI, j’ai déjà utilisé un bol de gamelle pour chien. Elle était remplie d’eau et je la cognait pour faire tourner l’eau, ça donne un son particulier. Dans mon sous-sol déjà insonorisé, je me suis concocté une petite salle d’enregistrement avec des matelas. C’est la base pour un bon enregistrement.
RAC : Qu’est ce que vous avez appris à RAC qui vous a le plus servi dans votre entreprise aujourd’hui?
Nychölas : Le bruitage m’a toujours intéressé dans la vie, mais quand je suis arrivé à RAC, j’ai redécouvert cette passion. C’est ça qui m’a aussi donné l’idée de faire HoneyPhonic. J’ai beaucoup appris dans les cours d’acoustique et les différents ateliers et classes de maîtres aussi. Je sais que HoneyPhonic ne serait pas pareil si je n’avais pas étudié à RAC.
Tim : C’est vraiment la technique. J’ai vu une différence avec l’éducation ici par rapport à la France. À RAC, un jour on fait de la théorie puis le lendemain, nous pratiquons. Ça permet de dépasser la compréhension simplement théorique, juste d’esprit à esprit, et d’évaluer vraiment si tu as compris dans le monde réel ce que tu as appris. Ce n’est pas une année facile mais cela apporte tellement. Même trois ou quatre ans après mes études, je regarde encore mes notes de cours de RAC pour me rappeler des choses.
RAC : Avez-vous des conseils à donner pour quelqu’un qui veut débuter une carrière professionnelle dans le domaine de l’audio?
Nychölas: Au début, je ne savais pas où je m’en allais avec tout ça. Mais le fait de pratiquer m’a donné beaucoup d’assurance. Aussi, parfois il m’arrivait de ne pas savoir quoi faire pour un projet. J’hésitais mais une fois assis devant l’ordinateur, tout démarrait. Il y a quelque chose qui se passe. Alors je pense qu’il faut juste faire les choses.
Tim : Il faut rester persévérant dans les projets. Avec le temps et beaucoup de pratique, ils se construisent. Il n’y a pas de limite à ce genre de chose je pense. Aussi, nous sommes des créatifs.ves et nous avons parfois tendance à être dans une bulle. Il ne faut pas avoir peur de connecter avec le monde extérieur et de créer ce pont entre le.la créateur.trice, la personne qui a l’idée du service ou du produit, et celle qui va le recevoir.
L’entreprenariat est libérateur pour les deux artistes. Ils sentent qu’ils ont beaucoup accompli dans les dernières années. Plus précisément, comme plusieurs artistes le vivent: il n’est pas facile de franchir la porte pour vendre son art. Comme Tim le dit si bien: « Quelque part il faut apprendre à dédiaboliser le côté commercial. C’est ce qui permet de faire exister réellement ce qu’on a dans la tête. » Il ne faut pas oublier que c’est ce qui nous fait perdurer et, en bout de ligne, ce qui fait perdurer l’art.
Texte écrit par Caroline Boivin
Illustration par Yihong Guo