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Malheureusement, on n’entend pas bien ce qui est dit : les voix ne ressortent pas clairement du mixage. Sur un enregistrement, la voix doit être à défaut d’être forte (pensez au chuchotement caractéristique de Billie Eylish), extrêmement claire. L’obtention d’une intelligibilité parfaite lors de l’enregistrement est un exercice complexe et nuancé, qui exige une compréhension approfondie des divers outils et techniques à la disposition des ingénieur.e.s du son. En comprenant ces défis communs et en appliquant des solutions préconisées, on peut sensiblement améliorer la clarté des enregistrements vocaux, et ainsi relever le professionnalisme et la qualité de la production. Voici une liste des éléments à prendre en compte.

Suivre la voix 

En studio, la priorité, c’est le, ou la vocaliste. Comment ça sonne ? Comment se sent l’artiste pendant la session d’enregistrement ? La voix peut être un instrument capricieux, et son pire ennemi est la tension exercée par le corps, qui inhibe le son produit. La voix doit être libre et sonner sans contraintes. Cependant, une fois dans la cabine d’enregistrement, sous la pression, des obstacles surviennent. La voix dévoile ce que la personne est en train de vivre. On profite de cette occasion pour aider le ou la vocaliste à se détendre, à se mettre à l’aise et à s’exprimer. Les émotions captées dans l’enregistrement de la voix peuvent également influencer le mixage. Soyez à l’écoute ! 

La prise du son  

Ce n’est rien de nouveau, les outils utilisés pour capter les sons déterminent largement la qualité de l’enregistrement. Tous les microphones ne se valent pas ; le choix du bon modèle en fonction de ce que vous essayez de faire aura une influence considérable sur le son. 

Les microphones dynamiques sont souvent privilégiés pour les performances en direct en raison de leur robustesse et de leur capacité à supporter des niveaux de pression acoustique élevés sans distorsion. Ils excellent dans les environnements où les sources sonores peuvent être imprévisibles, ce qui les rend idéaux pour les chanteurs sur scène. En revanche, les microphones à condensateur sont généralement préférés pour les enregistrements vocaux en studio. Leur sensibilité et leur large réponse en fréquence leur permettent de capturer les subtilités et les riches caractéristiques tonales de la voix humaine avec une grande fidélité. 

En optant pour un modèle spécifique, gardez à l’esprit que les microphones à réponse en fréquence plate sont idéaux pour obtenir un son vocal naturel et précis. Dans certains cas, les microphones qui mettent l’accent sur la gamme de fréquences de présence, généralement autour de 5 à 10 kHz, peuvent améliorer la clarté de la voix, en l’aidant à se détacher efficacement d’un mixage dense. On recommande d’expérimenter plusieurs microphones et de trouver celui qui complète les qualités tonales uniques du chanteur que l’on enregistre, car chaque microphone confère un caractère distinctif au son. 

En ce qui concerne les micros, la meilleure chose à faire est de tester, tester et encore tester. Les essais (et les erreurs) permettent de découvrir le microphone qui restitue le mieux le son souhaité pour une configuration ou un artiste particulier.

Tenir ses distances 

Comprendre l’effet de proximité est essentiel pour éviter les pièges les plus courants lors de l’enregistrement de voix. Ce phénomène se produit lorsque les basses fréquences sont amplifiées lorsque la source sonore se rapproche du microphone. Bien que cela puisse ajouter de la chaleur à la piste vocale, le son peut aussi devenir plus brouillon ou plus percutant s’il n’est pas contrôlé correctement. En règle générale, il est recommandé de maintenir une distance de 6 à 12 pouces entre le microphone et la source sonore, mais cette distance peut varier en fonction du son désiré et du type de microphone utilisé. Si le ou la vocaliste est placé(e) trop loin du micro, le son obtenu risque de manquer de plénitude, de sembler faible et sans vie, tandis que les bruits ambiants et la réverbération de la pièce risquent de s’immiscer dans le son. Il est essentiel de trouver la distance optimale ; il faut viser le « point idéal » où les voix sont riches et présentes, en évitant une accumulation excessive dans les basses fréquences.

Tenir compte des fréquences 

Un mixage encombré peut facilement masquer les voix, ce qui rend la quête de clarté presque insurmontable. Pour y remédier, il convient de se concentrer sur deux gammes de fréquences critiques : les fréquences moyennes et les fréquences basses. La plupart des fréquences vocales occupent le spectre des médiums, qui se superpose de manière significative à d’autres instruments tels que les guitares, les claviers et les caisses claires. Une surcharge dans cette zone peut entraîner une concurrence entre les sons, ce qui a pour conséquence d’enterrer la voix dans le mixage. Une approche stratégique d’égalisation (EQ) est essentielle : identifiez les plages de fréquences clés de votre voix, puis coupez ces fréquences dans les instruments concurrents afin de créer un espace dédié à la voix. 

Une quantité excessive de basses provenant d’instruments lourds ou de grosses caisses peut également nuire à la clarté de la voix. Cela peut entraîner un effet boueux et priver le mixage d’une marge de manœuvre précieuse. L’utilisation de filtres passe-haut (high pass) sur les instruments autres que les basses, à partir d’environ 80-100 Hz, peut aider à éliminer l’accumulation inutile de basses. Des réglages judicieux des égaliseurs permettront d’éclaircir les basses fréquences, garantissant ainsi que vos voix sont proéminentes et claires. 

Les voix occupent généralement le centre d’un mixage stéréo, où elles coexistent avec des éléments fondamentaux tels que la basse et la grosse caisse. Cet encombrement central constitue souvent un défi, car il peut empêcher les voix de se démarquer. Des techniques telles que l’éloignement des autres instruments du centre et l’application d’effets d’atténuation stéréo peuvent créer l’espace nécessaire pour que les voix soient à l’avant-plan.

En complément, la compression sidechain peut s’avérer très efficace. Cette technique réduit subtilement le volume des instruments d’accompagnement lorsque le ou la vocaliste est actif.ve, permettant ainsi à la voix de maintenir sa proéminence dans le mixage. 

Les outils audio à la rescousse 

L’utilisation d’un dé-esseur (de-esser) permet de contrôler les sifflements dans la piste vocale et de traiter les sons « s » et  t » indésirables qui risquent de percer le mixage. Cela permet d’améliorer les hautes fréquences sans craindre que les sibilances n’éclipsent les voix. 

Au lieu de compter uniquement sur la compression pour assurer la cohérence des niveaux vocaux, on peut employer l’automatisation du volume pour ajuster manuellement les niveaux des différentes sections des pistes vocales afin d’obtenir un équilibre optimal. Appliquez une légère compression à vos pistes vocales, en visant un rapport compris entre 2:1 et 4:1. Ensuite, réglez le seuil de manière à ce que le compresseur ne s’active que lors des passages les plus forts, afin de garantir des niveaux vocaux cohérents. 

Enfin, vous pouvez utiliser les effets de réverbération et de délai avec parcimonie pour ajouter de la profondeur sans écraser les voix. Un réglage de pré-délai sur la réverbération peut aider à maintenir la clarté de l’attaque vocale initiale tout en créant une impression de profondeur.

Le mixage est peut-être terminé, mais le travail, lui, se poursuit! La meilleure façon de perfectionner sa technique est d’écouter régulièrement des pistes professionnelles bien mixées et de s’y référer. Cette pratique peut aider à développer une oreille pour l’équilibre et la qualité tonale, ce qui permet d’effectuer des ajustements efficaces dans le mixage. N’oubliez pas que le mixage est à la fois un art et une science. Sa maîtrise demande beaucoup de pratique et de patience. Continuez à expérimenter différentes techniques et faites confiance à vos oreilles : leur intuition vous guide dans votre voyage musical.

Pour plus de conseils en matière de voix, consultez l’article Trouver sa voix: un chant qui sort de l’ordinaire

Par Christelle Saint-Julien
Illustration de Holly Li