Difficile de décrire Nick Younès : figure emblématique (et hyperactive!) de l’industrie musicale, modeste entrepreneur culturel, véritable boute-en-train. Depuis son adolescence, il incarne toujours, à 34 ans, le plaisir du travail en coulisses. Après avoir dirigé pendant plus d’une décennie IX Daily (anciennement Indecent Xposure), un blogue et un collectif ludique incontournable de la scène culturelle montréalaise, et après un passage chez Apple Music dans les rouages de la programmation, Nick se consacre désormais à la promotion de la musique locale. À titre de directeur des partenariats numériques internationaux chez Secret City Records, une maison de disques qui accueille des talents canadiens d’envergure internationale, il travaille avec des artistes tels que Patrick Watson, Emily Khan, Jesse Mac Cormack et les Barr Brothers. Nick nous raconte comment il a sauté dans le vide, canalisé sa passion pour la musique, et fait les choses à sa façon, et nous invite à faire de même.
RAC : Comme vous l’avez démontré au fil des ans, vous êtes vraiment un passionné de musique. D’où vient cette passion?
Nick : Depuis que je suis tout petit, j’ai toujours voulu être un artiste de la scène. Mais très tôt, j’ai su que je n’avais pas la voix nécessaire, et c’est la seule chose qui m’en a empêché. Plus tard, j’ai voulu devenir acteur. J’ai pris des cours de théâtre parascolaires. Mais comme je n’avais pas le physique de l’emploi, j’ai décidé que je ne pouvais pas être acteur, et que je devais travailler dans les coulisses. J’ai étudié le cinéma et la communication à Dawson, et cela m’a permis de découvrir que je pouvais faire toutes sortes de choses dans l’industrie musicale.
Dès mon plus jeune âge, j’analysais les personnalités connues telles que les Spice Girls, Britney Spears ou les Backstreet Boys, et j’avais un point de vue analytique sur ces dernières. À l’époque, j’écrivais même sur le sujet! Aujourd’hui encore, je suis fasciné par les campagnes marketing et je les examine.
RAC : Sur quoi travaillez-vous ces temps-ci?
Nick : Mon travail principal se fait au sein de la maison de disques. En tant que responsable des partenariats numériques internationaux, je planifie et supervise toutes les campagnes d’albums et les singles à l’échelle mondiale afin de garantir leur succès éditorial et musical sur les différentes plateformes (écoute en continu, médias sociaux, etc.). Je m’assure qu’un album se trouve dans un créneau particulier, je m’occupe de toutes les initiatives de marketing pour la plateforme et je veille à ce que les artistes aient de la visibilité.
Par exemple, disons que YouTube présente un panneau d’affichage à Montréal pendant un festival de musique, je m’assure de leur présenter un.e de mes artistes. Si Spotify prend le contrôle d’une liste de lecture dans un pays, j’y fais ajouter un artiste. Je m’occupe également de toutes les stratégies pour les réseaux sociaux comme TikTok, Reels, YouTube Shorts, et de la publicité numérique. La particularité de notre maison de disques est que nous réalisons des campagnes internationales, ce qui est plutôt rare pour les étiquettes canadiennes. Je suis très heureux dans mon rôle. Je continue à travailler sur d’autres projets dès que j’en ai le temps, je suis toujours aussi passionné!
RAC : C’est fantastique de voir nos artistes préféré.e.s briller et être reconnu.e.s. Qu’est-ce qui vous a mené à ce rôle?
Nick: J’ai choisi ce poste parce que j’avais besoin d’un défi après la fin de mon contrat avec Apple Music. Quelqu’un m’a parlé de Secret City Records et m’a dit que ce poste me conviendrait parfaitement. Je me suis dit : « Un label indépendant, c’est quoi? » (rires). Je viens du monde du hip-hop et de l’électro, et je savais seulement comment commercialiser ce genre de produits.
J’ai trouvé le moyen de rendre les choses amusantes et artistiques pour ces personnes. Je pense que pour les artistes, il faut commencer par cultiver son public, trouver sa voix et faire les choses à sa façon. Mais effectivement, il y a beaucoup de plateformes aujourd’hui, et c’est donc beaucoup de publications et beaucoup de travail. Mon travail consiste à faciliter la tâche des artistes.
RAC : Vous avez tenu IX Daily de 2007 à 2019. Le blogue a servi de tremplin à la carrière de nombreux artistes (par exemple, Jacques Green et Kaytranada, sous leurs noms d’artistes de l’époque). Comment avez-vous décidé de lancer ce projet à un si jeune âge?
Nick : J’étais à Dawson lorsque la fusillade a eu lieu en 2006. Ça a été mon élément déclencheur. Ce jour-là, je me souviens avoir pensé : « Mon Dieu, je n’ai même pas 18 ans et je n’ai pas encore accompli ce que je voulais faire. » Ça m’a vraiment poussé. Je me suis impliqué à la station de radio, au journal, à l’association étudiante. J’ai organisé des partys avec des performances live d’artistes, en collaboration avec la station de radio. Les gens me demandaient alors où ils pouvaient découvrir ces nouveaux artistes que je venais de dénicher, et j’ai donc créé le blogue pour les présenter au public. Avec le temps, le blogue s’est transformé en publication avec trois sections : musique, mode et lifestyle.
Je ne connaissais rien au monde des affaires et je n’ai jamais eu l’esprit entrepreneurial. Avec le recul, ma vision était la suivante : « Comment favoriser la créativité et inspirer les gens à donner le meilleur d’eux-mêmes? ». C’est la seule chose que je savais faire. Pour le reste, je faisais semblant de savoir ce que je faisais. J’ai demandé aux gens : « Qui veut s’impliquer? Qu’est-ce que vous envisagez de faire? Faisons les choses. » Je veux réaliser tout ce que je souhaite accomplir. Je veux que tous ceux qui m’entourent puissent en faire autant. Les gens ne connaissent pas le potentiel qu’ils peuvent avoir, simplement en ayant la permission d’essayer quelque chose. Je savais que je n’étais pas meilleur que les autres. Mais si ça fonctionnait pour moi, ça pouvait aussi fonctionner pour d’autres personnes.
Je n’étais pas payé et personne ne l’était. Nous avons fait tourner ce projet pendant 12 ans. L’argent généré par les publicités était réinvesti dans les partys et le site web. Pour pouvoir organiser des partys extravagants, on a dû investir beaucoup de budget, de même que pour faire du site web ce qu’il était à l’époque : cool, interactif et en constante évolution.
RAC: Vous vous êtes tellement investi dans cette entreprise. Qu’est-ce qui vous a amené à passer à autre chose?
Nick : J’ai fait un burn-out en 2019. Je me souviens être allé à l’hôpital et l’infirmière m’a dit : « On dirait que vous êtes surchargé et que vous faites un burn-out ». Quand elle m’a dit ça, j’ai pleuré pendant une heure. Quelqu’un le voyait pour la première fois.
Lorsque j’ai tout fermé, la réalité s’est fait sentir. J’ai pleuré pendant quelque temps. C’était un grand deuil, même si c’était pour le mieux. Ensuite, j’ai manifesté le souhait d’obtenir un poste chez Apple Music. Et ce rêve s’est réalisé.
Je me sens très bien en ce moment. Cette maison de disques est extraordinaire. J’ai le privilège de travailler avec des gens qui m’inspirent beaucoup. Je ne veux jamais me retrouver dans un endroit où les gens ne m’inspirent pas et où l’on ne me met pas au défi. C’est aussi ce qui faisait la beauté d’IX Daily : j’étais entouré de ces personnes tous les jours.
Les films et les images sont encore et toujours une grande source d’inspiration pour moi. Actuellement, je me consacre à la photographie 35 mm. J’ai également écrit quelques scénarios. J’aimerais poursuivre dans cette voie, peut-être comme prochaine étape.
Texte écrit par Christelle Saint-Julien
Illustration par Yihong Guo