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Vinay Vyas, alias I Am Vinay lorsqu’il produit, est passé de dépenser l’argent pour son loyer sur des plugins à travailler avec des artistes comme Nicki Minaj et David Guetta. Le producteur nominé aux prix Grammy a vu plusieurs de ses chansons figurer au palmarès Billboard Hot 100 et a même créé une chanson originale pour le film Marvel Venom. Comment est-il passé de la création de beats dans sa chambre à la collaboration avec les plus grands noms de l’industrie ? Vinay nous a rejoint depuis Lisbonne, au Portugal, pour nous donner un aperçu de tout ce qui concerne la création de rythmes, le réseautage et la création d’une carrière durable en tant que producteur dans l’industrie musicale.

Une chanson de David Guetta produite par I Am Vinay

RAC : Lorsque vous avez commencé à produire, quel était votre principal objectif de carrière ?

Vinay : Quand j’ai commencé, je ne faisais que m’amuser. J’ai téléchargé une copie de boucles gratuites à l’université et je m’amusais à en faire des beats. Une fois que j’en avais quelques-uns de prêts, je les ai mis en ligne sur un site appelé SoundClick. SoundClick est un énorme réseau de producteurs qui créent des beats, les mettent en ligne et monétisent leur travail. En entrant en contact avec ces producteurs, j’ai beaucoup appris sur le business de la monétisation d’instrumentaux en ligne, l’échange de contacts et la collaboration, ce qui m’a donné une meilleure idée de la voie professionnelle que je voulais suivre. J’ai fini par travailler avec eux, ce qui m’a amené à rencontrer d’autres producteurs. 

I Am Vinay a produit la chanson titre « Tattoos » sur l’album Tattoos de Jason Derulo (photo tirée de l’Instagram de @iamvinay_beats)

RAC : Quelles ressources en matière d’éducation, de mentorat ou de développement vous ont aidé à devenir un producteur de haut niveau ?

Vinay : Mon premier mentorat a été avec un producteur nommé Kane Beatz. Je l’ai rencontré dans une boîte de nuit en Floride et lui ai envoyé quelques-uns de mes morceaux. Il m’a rappelé le soir même pour me dire qu’il voulait que je travaille avec lui dans son studio à Atlanta. J’ai eu l’occasion de vivre dans sa grande maison avec tous ces studios, ce qui était vraiment cool. J’ai pu travailler côte à côte avec lui, et nous avons collaboré sur une tonne de musique – c’était une énorme expérience d’apprentissage. J’ai beaucoup d’appréciation pour Kane Beatz.

J’ai également visité avec Kane des studios à Atlanta, Miami et en Orlando pour enregistrer avec des artistes très connus. Pendant ce temps, Kane envoyait des démos à son éditeur APG (Artist Publishing Group), dirigé par Mike Caren. Après un certain temps, la musique que Kane et moi faisions ensemble a attiré l’attention de Mike. Après avoir construit un portfolio impressionnant et fait quelques sessions de plus, nous nous sommes envolés pour L.A. où j’ai rencontré Mike et lui ai joué la musique que Kane et moi faisions. Quelques jours seulement après cette rencontre, Mike m’a proposé un contrat d’édition.

La chanson de G-Eazy produite par I Am Vinay

RAC : Quelles sont, selon vous, les compétences et les outils essentiels que tout beatmaker devrait avoir dans sa boîte à outils le plus tôt possible ?

Vinay : Je dirais que l’une des choses les plus importantes est de comprendre la chanson dans son ensemble, plutôt que de se concentrer uniquement sur les beats. Bien qu’il soit amusant d’en faire beaucoup, il est important à un moment donné de comprendre la place de l’auteur.e-compositeur.ice et de l’artiste dans l’ensemble. 

En tant que producteur.ice, vous devez apprendre à enregistrer des voix et des mélodies, et créer des mélodies de chansons qui fonctionnent avec le rythme. Ainsi, vous êtes sûr.e de ne pas être pris.e dans la catégorie des beatmakers, ce qui vous empêcherait d’entrer en studio et d’enregistrer avec un.e artiste. Apprenez à bien enregistrer les voix et à obtenir les meilleures performances des musiciens.nes et chanteurs.euses. C’est une toute autre « école », et je dirais que c’est vraiment la plus importante.

Il est essentiel pour tout beatmaker d’être proactif, de se créer un réseau et de comprendre à quel point l’internet est une ressource inestimable. Il existe des quantités illimitées d’informations, de connexions et de possibilités facilement accessibles. Vous devez optimiser votre utilisation de l’internet pour affiner votre art dans tous les sens, mais surtout l’aspect social. Parce que si vous n’êtes qu’un beatmaker qui fait des tonnes de titres sans aucun contact, personne n’entendra ce sur quoi vous travaillez. 

La chanson de Yo Gotti produite par I Am Vinay

RAC : Nicki Minaj, Flo Rida, et The Lonely Island ; ce sont de sacrés crédits ! Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez eu l’opportunité de travailler avec ces grands artistes et ce qui vous a amené à le faire ?

Vinay : The Lonely Island a été notre premier placement, curieusement. C’est le premier groupe avec lequel nous avons travaillé après que Kane et moi avons signé notre contrat d’édition. À l’époque, Ben Maddahi travaillait chez l’Artist Publishing Group, et il a envoyé notre travail à Andy Samberg et l’équipe Lonely Island. Ils ont adoré et ont fini par choisir deux ou trois morceaux. C’était une très belle expérience de travailler avec eux ; ils ont fait participer beaucoup d’artistes cool sur leurs chansons, comme Robyn et T-Pain. Ils nous ont payés équitablement, généreusement, puis ont fait tous les splits équitablement aussi. C’était le groupe le plus facile avec lequel j’ai jamais travaillé ! Je leur dois un grand merci.

La chanson de The Lonely Islands’ produite par I Am Vinay

Mon travail avec Nicki Minaj est aussi issu de mon travail avec Kane Beats. Kane avait fait quelques chansons pour Nicki au fil des ans – je pense qu’il en a fait plusieurs sur chacun de ses albums. Il a travaillé sur son premier album, notamment sur Super Bass avec JMIKE. Elle l’a ensuite contacté pour The Pinkprint, ce qui nous a amenés – moi, Kane, JMIKE et The Mad Violinist (un violoniste et producteur) – à venir à L.A. et à créer une quantité folle de musique parmi laquelle Nicki a choisi quelques morceaux !  Nous avons travaillé sur deux titres en particulier, l’un d’eux étant Bed of Lies, écrit par Breyan Isaac et accompagné de Skylar Grey. 

La chanson de Nicky Minaj produite par I Am Vinay

Flo Rida est signé chez Atlantic et, à l’époque, il travaillait en étroite collaboration avec Mike à la APG. C’est ainsi qu’est née la collaboration avec Flo ; c’était un artiste que nous voyions dans le studio, quelqu’un à qui nous proposions activement des projets. Nous savions que nous allions finir par obtenir une chanson avec lui, qui s’est avérée être Hello Friday avec Jason Derulo. 

La chanson de Flo Rida produite par I Am Vinay

RAC : En tant que producteur d’un album nominé aux prix Grammy, qu’est-ce qui, selon vous, distingue les grands joueurs des autres ?

Vinay : Une bonne énergie. Savoir comment se comporter dans une pièce avec différents types de personnes. La patience. La persévérance. La persistance. La discipline et le dynamisme. Quand vous entrez dans les ligues majeures, tout le monde est si talentueux. Tout le monde peut faire les mêmes choses. 

Ce qui sépare les meilleurs joueurs de tous les autres, c’est qu’ils savent comment obtenir le meilleur d’un.e artiste lors d’une session d’enregistrement. Ils savent comment créer des couches sonores dans lesquelles les voix s’intègrent parfaitement. Ils savent comment faire tout cela sans effort et sans stress ; ces qualités sont vraiment importantes à noter pour les beatmakers lorsqu’ils/elles passent à la production. 

Fréquentez des gens qui écrivent des paroles et des mélodies – peu importe s’il s’agit d’auteurs de renom ou si ce sont juste des amis à vous qui veulent apprendre. Ensuite, perfectionnez vos compétences en tant que producteur.ice ; écoutez ce que ces autres artistes chantent et enregistrent. Le processus ne se limite pas à l’enregistrement, c’est aussi une question de relation avec les artistes.  

Une chanson de Flo Rida produite par I Am Vinay

RAC : Que diriez-vous aux étudiants qui veulent devenir professionnels de la production ? Quelles sont les choses que vous auriez aimé savoir quand vous avez commencé ?

Vinay : J’aurais aimé savoir que tout ce que j’ai acheté en termes de logiciels et d’équipement audio serait utile. Ce que je veux dire par ça, c’est que lorsque j’ai commencé à faire des beats, je n’avais pas d’argent, mais dès que je commençais à gagner quelques dollars en musique, je les dépensais en équipement ou en logiciels. À chaque fois que je faisais ces dépenses, je me disais toujours : « Je ne sais pas si c’est la bonne décision ou si j’ai assez d’argent pour payer le loyer, mais je vais acheter ce VST (Virtual Studio Technology or technologie de studio virtuel) de fou ». Ça a toujours été payant. Il est important d’investir de l’argent dans des logiciels de qualité, alors faites des recherches et trouvez ce qui convient à vos besoins. Une fois que vous aurez trouvé quelque chose de très utile, cela augmentera votre efficacité, améliorera votre flux de travail et rendra votre son meilleur. 

J’aurais également aimé connaître l’importance de passer du beatmaking à la production plus tôt dans mon parcours. La communauté des créateurs de rythmes en ligne s’amuse à les créer, mais à l’époque où j’ai commencé, il y avait très peu d’informations sur comment passer de la création de rythmes accrocheurs sur votre ordinateur à la possibilité de s’asseoir en studio avec un.e grand.e artiste et de savoir comment tirer le meilleur d’eux, comment les inspirer, comment obtenir une chanson. Et c’est vraiment ce que recherchent tous ceux qui font des morceaux sur leur ordinateur. 

La chanson de Toni Romiti produite par I Am Vinay

RAC : Comment avez-vous établi vos relations les plus importantes dans l’industrie et quels conseils donneriez-vous aux nouveaux.elles producteurs.ices qui ont du mal à créer un réseau ?

Vinay : Le réseautage est toujours une chose étrange. Oui, ça fait bizarre de contacter quelqu’un que l’on ne connaît pas pour essayer d’établir une relation avec lui ou elle. Mais honnêtement, c’est comme ça que beaucoup de gens ont réussi, moi y compris. J’ai commencé à mettre mon travail en ligne, mais je me suis assuré que mon approche était différente. Je ne me suis pas contenté de faire des morceaux et de les envoyer aux courriels personnels des gens ou à travers leurs DM Facebook ; j’avais un site web et j’y ai consacré beaucoup de temps et d’argent. Éventuellement, il a commencé à obtenir de bonnes rotations, atteignant environ 16 millions écoutes. Mon but était de construire une présence. 

Bien sûr, s’il y a quelqu’un que vous voulez vraiment connaître, que vous avez étudié tout ce qu’il/elle a fait et qu’il/elle vous inspire énormément, vous pouvez lui envoyer un message très honnête du genre : « J’admire votre travail, et tout ce que vous sortez me touche. J’aimerais beaucoup que vous soyez mon mentor ou apprendre de vous ». Ou vous pouvez simplement leur faire savoir qu’ils/elles vous inspirent. Je conseille vivement aux gens de trouver un moyen authentique de se faire connaître au lieu de copier-coller un message à des milliers de personnes.

Photo tirée de l’Instagram de I Am Vinay, @iamvinay_beats.

Certes, vous obtiendrez peut-être moins de résultats puisque vous n’écrirez pas de messages super personnalisés à dix mille personnes, mais les connexions que vous formerez seront solides Quelqu’un lira ce que vous avez écrit et comprendra que votre vie a vraiment bénéficié de son travail, ce qui signifie qu’il y a plus de chances qu’il/elle vous réponde.

RAC : Selon vous, les jeunes créateurs doivent-ils se construire un portfolio varié englobant un large éventail de styles, ou se concentrer sur le développement d’un son cohérent et unique ?

Vinay : Si vous êtes un beatmaker émergent, je pense qu’il est bon d’être polyvalent et de se familiariser avec différents genres, en particulier la pop, la dance et le rap. Il n’est pas nécessaire d’avoir une connaissance approfondie de tous les rythmes, mais il faut connaître les grooves de base et avoir des échantillons pour être toujours prêt à lancer un projet. Ceci étant dit, il est toujours bon d’avoir un son unique que vous pouvez apporter à n’importe quel genre. Trouver ce qui vous parle prend du temps, beaucoup d’expérimentation, de création de rythmes et de manipulation de votre logiciel audio. Alors, trouvez ce que vous aimez et appliquez-le à différents genres.

La chason de Wale produite par I Am Vinay

—Dernières notes—

Voilà, selon Vinay, les points clés sur la voie du succès en tant que producteur.ice sont d’investir du temps dans son art, de se faire connaître à travers le réseautage, d’être proactif.ve à chaque étape et d’être toujours prêt.e à saisir les opportunités qui peuvent modifier votre parcours de carrière, car on ne sait jamais quand elles se présenteront.

La prochaine étape pour Vinay est de travailler sur un tas de nouvelles musiques avec des artistes prometteurs du monde entier; des projets qui, selon lui, seront très intéressants pour des éditeurs et éventuellement un label. Surveillez donc  son nom sur les prochaines sorties de certains de vos artistes préférés. « J’ai vraiment hâte de frapper fort au Canada avec des artistes dont le niveau de talent est choquant. Nous avons beaucoup de talent ici, n’est-ce pas ? C’est toujours super d’entendre le travail d’artistes canadiens. »

Texte écrit par Maya Malkin

Illustration par Yihong Guo