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Après avoir suivi une impressionnante formation en musique classique et gagné une solide réputation pour ses performances, Hazel Burns a décidé de réorienter sa carrière vers la sonorisation et l’enregistrement musical en s’inscrivant au campus montréalais de RAC. Hazel nous explique comment elle en est arrivée à ce choix critique, et comment cette décision lui a permis de décrocher un emploi à CTV comme technicienne de son, dans le cadre duquel elle a été chargée d’enregistrer et de mixer plusieurs projets de haut vol. 

Quel est votre parcours?

J’ai une expérience en musique classique à la fois comme pianiste et chanteuse. J’ai d’abord étudié le chant classique à Victoria University, où j’ai aussi rencontré pour la première fois la technologie musicale et l’enregistrement. Après avoir passé plusieurs années à chanter dans une compagnie d’opéra, j’ai décidé que la précarité de la vie de musicien n’était pas pour moi et je me suis tournée vers l’enregistrement audio. Ce parcours convenait mieux à ma personnalité, car j’ai toujours aimé la technologie et aussi parce que j’aime avoir la liberté de travailler de manière créative dans différents genres musicaux et artistiques, au-delà de mon propre instrument. En 2006, j’ai terminé le programme de techniques de sonorisation et d’enregistrement musical de RAC Montréal, ce qui m’a permis d’acquérir une grande expérience pratique et théorique en post-production, en sonorisation et en enregistrement. Ensuite, j’ai été acceptée dans le programme de maîtrise en enregistrement du son de l’Université McGill, et je me suis concentrée sur les techniques d’enregistrement en musique classique et le placement des microphones. Cela a été un bon complément à mon expérience musicale à et ma formation à RAC. Pendant et après mes études de maîtrise, j’ai travaillé pour le département audio du Banff Centre où j’ai commencé à me spécialiser davantage en production classique. J’ai récemment déménagé à Toronto où je travaille actuellement comme ingénieure du son au département de post-production audio de CTV, et je continue à gérer ma propre entreprise d’enregistrement indépendante sous le nom d’Enregistrements Silencio.

Dans quel genre de projets musicaux avez-vous été impliquée au début de votre carrière?

Quand j’ai commencé l’enregistrement audio, j’ai fait tout ce qui me permettait d’acquérir de l’expérience dans l’industrie. Ces emplois étaient très divers, et presque toujours mal rémunérés. Quelques exemples incluent l’enregistrement d’une ferme apicole pour le musée local, faire de la sonorisation pour une troupe de théâtre musical, l’édition de transcriptions d’une conférence universitaire, faire du bruitage pour un jeu vidéo en ligne, travailler comme perchiste pour un film indépendant, et l’enregistrement de groupes d’amis avec n’importe quel équipement que je pouvais réunir. Peu importe ce que je faisais, chaque emploi m’a appris quelque chose.

Décrivez le studio actuel  où vous travaillez, et comment vous y avez atterri?

Je travaille actuellement au département de post-production audio de CTV, qui a cinq principaux studios de post-production et plusieurs autres petits studios. Ces studios varient en fonction de leur utilisation, mais les principaux studios utilisent Pro Tools HDX 10 et supportent le 5.1. Une des choses amusantes dans mon travail à CTV, c’est que tout est mixé en surround. Tous les studios ont une surface de contrôle, nous utilisons surtout des C24 et les Control 24, mais notre nouveau studio dispose d’une console Icon. J’ai d’abord travaillé pour CTV en 2009, lorsque j’ai été embauchée pour aider à l’enregistrement du thème musical de l’édition 2010 des Jeux Olympiques de Vancouver : l’enregistrement s’est déroulé à Montréal. Quand j’ai déménagé à Toronto en 2011, ils m’ont embauchée comme stagiaire d’été et j’ai ensuite été promue au poste d’ingénieure.

Quel est votre rôle au studio?

En raison de ma longue expérience en musique, mon rôle principal à CTV est d’assurer la conformité entre les partitions et les enregistrements, de l’éditer et de la mixer pour chaque épisode de « Mighty Ships », « Mighty Planes »,  et « Nerve Center » de Discovery Channel. Récemment, j’ai commencé à mixer des épisodes complets de ces émissions, ce qui implique l’édition/mixage du dialogue sur caméra et des narrations, la synchronisation des sons et si nécessaire, la conception des effets sonores et des ambiances. Les projets précédents sur lesquels j’ai travaillé à CTV comprennent l’enregistrement en direct de la narration descriptive de la vidéo « So You Think You Can Dance », le mix de la musique de  « Mighty Planes », et la conception sonores pour les animations graphiques en HD de « Daily Planet. »

Décrivez-nous la scène musicale (à Toronto)?

Puisque je suis relativement nouvelle à Toronto, j’en suis encore à faire murir mon opinion sur la scène musicale, donc mon point de vue changera probablement au fur et à mesure que je connaîtrai mieux la ville. Jusqu’à présent, je trouve que, à l’exception de Radio-Canada (avec qui peu de musiciens locaux peuvent se permettre d’enregistrer), il ne semble pas y avoir tant de lieux d’enregistrement pour la musique classique à Toronto comparé à ce qui se passe à Montréal. J’ai été choquée de constater qu’il n’est même pas possible de louer des microphones omnidirectionnels ici, ce qui est un élément de base pour un enregistrement classique. Dans la mesure où Toronto abrite le Royal Conservatory of Music et plusieurs autres écoles de musique très respectées, il y a beaucoup de talent dans cette ville, mais il semble que la majorité des musiciens doivent mener leurs projets d’enregistrements ailleurs, ou faire venir des ingénieurs du son spécialisés en musique classique de l’extérieur. Puisque que je suis avant tout une ingénieure du son classique, j’espère voir les choses changer et aussi pouvoir me faire un nom ici avec les musiciens locaux. En ce qui concerne la musique populaire … désolée, ce n’est pas ma scène!

Comment les choses ont-elles évolué au cours des dernières années?

La chose qui a le plus changé dans ma génération d’ingénieurs par rapport à la génération qui m’a formée, c’est qu’il n’y a plus de grands studios d’enregistrement ou maisons de disques. Non seulement, cela rend les choses plus difficiles pour la recherche d’un emploi en tant qu’ingénieur du son, mais cela signifie aussi que nous avons perdu la tradition du mentorat d’ingénieurs expérimentés qui transmettent leurs connaissances et leurs «trucs du métier»  dans le milieu de travail. Le résultat est que cette génération d’ingénieurs a plus de difficulté à acquérir les connaissances et les compétences nécessaires car il y a peu d’occasions d’apprendre sur le tas. Grâce à la technologie d’enregistrement maintenant si facilement accessible, il y a une nouvelle génération d’ingénieurs autodidactes qui ont le matériel, mais n’ont pas la connaissances de base du studio dont ils ont besoin. À certains égards, les écoles d’enregistrement ont remplacé la tradition de mentorat en studio, mais il est toujours important pour les jeunes ingénieurs de chercher les occasions d’apprendre des personnes ayant une expérience réelle de l’industrie. Une autre conséquence de la perte des grands studios d’enregistrement, c’est que les ingénieurs du son doivent aussi être des entrepreneurs. Actuellement, je ne connais pas un seul ingénieur du son qui n’est pas également travailleur autonome dans une certaine mesure. Désormais, il ne suffit plus d’être un bon ingénieur du son, vous devez également posséder de l’entregent et avoir le sens des affaires pour trouver du travail et gérer votre propre entreprise.

Quels sont vos objectifs personnels et vos ambitions? À long terme, court terme …

À court terme, je travaille à m’établir et à créer des liens au sein de la scène musicale et audio de Toronto. A ce stade, mon objectif est d’accumuler beaucoup de contrats en tant qu’ingénieure du son et de travailler dans autant de domaines que possible. À long terme, je serais ravie de me faire un nom en tant qu’ingénieure et productrice classique et j’espère continuer à apprendre et à être inspirée par cette industrie.

Avez-vous des suggestions pour les personnes intéressées à démarrer une carrière dans l’audio ou la musique?

Cette carrière peut être très enrichissante grâce à la créativité et la liberté qu’elle vous offre, mais vous ne devez vous y adonner que si vous êtes sûr que c’est quelque chose qui vous passionne, car elle nécessite de longues heures de travail acharné et vous n’y ferez pas beaucoup d’argent. Soyez réaliste dans vos attentes, vous n’allez pas commencer en haut de l’échelle, mais si vous êtes prêt à vous mettre au travail et que vous avez une bonne attitude, vous irez loin. Bien qu’il n’y ait pas beaucoup de grands studios, il y a encore beaucoup de possibilités si vous êtes innovateur et vous savez comment vous vendre. Par-dessus tout, créez des liens avec les gens! Dans cette industrie, vous n’êtes pas embauché pour vos compétences – tout le monde part du principe que vous les avez – vous êtes embauché parce que les gens vous connaissent et aiment travailler avec vous. Je ne connais personne qui a obtenu un emploi dans l’industrie par le biais d’un curriculum vitae tout seul, et tous les emplois que j’ai obtenus l’ont été par le biais d’une connexion personnelle.

Comment a été votre expérience à RAC? Quelque chose de particulièrement significatif s’est-il produit durant votre séjour à RAC?

Dans l’ensemble, j’ai eu une expérience très positive à RAC. J’ai appris beaucoup d’informations et accumulé beaucoup d’expérience pratique dans un laps de temps relativement court. Les professeurs et le personnel étaient très serviables et recherchaient activement des opportunités d’emplois pour nous, ce qui m’a fait sentir qu’ils voulaient vraiment que nous réussissions. Ne connaissant personne à Montréal quand j’ai déménagé là-bas, l’environnement à RAC était confortable et accueillant et j’ai créé des liens durables avec les autres étudiants. Quand j’ai exprimé mon intérêt à m’inscrire pour le programme d’enregistrement sonore de l’Université McGill, les professeurs m’ont écrit des lettres de recommandation et m’ont soutenue dans le processus. Je sens que mon séjour à RAC m’a vraiment aidé à me préparer pour le monde professionnel puisque les studios, les consoles et l’équipement sont exactement conformes à ceux que l’on retrouve dans les environnements dans lesquels  je travaille maintenant.

Une expérience d’une session d’enregistrement particulièrement mémorable?

Il y a quelques années, j’ai réalisé un album classique contemporain d’un ensemble jouant   « Pierrot lunaire » de Schoenberg, qui est une œuvre pour soprano, piano, flûte/piccolo, clarinette, violon et violoncelle. Étant donné que ces instruments sont acoustiquement très différents et rarement joués ensemble dans un petit ensemble, c’était un défi de trouver comment organiser les musiciens afin de créer un enregistrement équilibré où aucun des instruments n’écrase l’autre. J’ai fini par placer les instruments dans une formation en demi-cercle avec le piano à l’arrière et la soprano au centre. J’ai passé beaucoup de temps à ajuster la hauteur et les angles des micros avant d’être satisfaite de la balance et j’ai utilisé une paire de micros à ruban Coles 4038 pour prendre la voix en stéréo, ce qui lui a donné une présence grandiose à l’enregistrement. Ce projet me reste à l’esprit comme étant inhabituel car normalement il y aurait eu une équipe d’ingénieurs, alors que pour cet enregistrement, j’ai travaillé seule pour un producteur. Normalement, cela aurait rendu le travail très stressant, mais les musiciens et le producteur étaient des professionnels de grand calibre en plus d’avoir un bel esprit d’équipe, ce qui fait que cette session d’enregistrement a été la plus relaxante à ce jour. De plus, j’étais vraiment satisfaite du produit final : en raison du sujet très contemporain de l’œuvre (il s’agit d’un clown fou) j’ai dû  être très créative avec les effets de réverbération et de panoramique pendant le mix, ce qui n’est pas habituel en musique classique.

Y a-t-il une personne ou un groupe qui vous a influencé, ou qui a influencé votre travail?

J’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de gens brillants dans l’industrie, qui m’ont beaucoup influencée au fil des ans. Toutefois, la personne à qui je dois le plus de choses pour ma carrière est Theresa Leonard, une productrice géniale et la directrice du programme audio au Banff Centre. Elle a été la première à m’encourager vers la production classique et elle a été mon mentor. Grâce à elle j’ai eu l’occasion de concevoir et produire des albums avec des musiciens extraordinaires. De plus, elle m’a nominée pour le « MusiCounts Fred Sherratt Award for Outstanding Achievement in Music and Recording Arts and Sciences », que j’ai reçu en 2011.