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Depuis peu, un nom bien établi dans le milieu de l’audio au Québec s’est ajouté à la liste des instructeurs de RAC. Martin Riopel, multi-instrumentiste et passionné du son, aspire depuis l’adolescence à entourer sa vie de musique. Il prend plaisir aujourd’hui à incarner les différents rôles qui lui sont confiés en tant que compositeur, concepteur sonore, monteur audio, arrangeur, réalisateur, mixeur et enseignant, sans compter celui de cofondateur du studio Last Exit Audio, dédié à embellir nos expériences médiatiques avec le pouvoir du son. Déjà avec un album instrumental entièrement autoproduit, Music For Your Soul (2010), Martin nous partage son enthousiasme insatiable pour l’interaction entre l’expérience et le son.

RAC : Tout d’abord, pourriez-vous nous partager votre parcours musical et celui en audio?

Martin : Ma passion pour la musique a débuté au secondaire avec l’apprentissage du saxophone et s’est intensifiée lorsque j’ai reçu une guitare pour mes 13 ans. Avec une curiosité pour le son, je me suis lancé dans l’enregistrement et la création d’ambiances sonores avec tout ce qui pouvait me tomber sous la main. Après mes études en guitare pop-jazz, j’ai enchaîné les projets dans divers genres. J’ai fondé L’Académie de musique de Lorraine en 1999 dans le but de partager ma passion tout en me perfectionnant en composition et arrangement musical. Avec le groupe Bactérie, j’ai coproduit l’album Repos Sur le Hasard, rencontrant un succès notable sur les ondes des radios rock-alternatives ainsi qu’à MusiquePlus. Mon expérience en studio a renforcé ma détermination à travailler sur ma musique et celle d’autres artistes. J’ai aussi contribué à l’album Uncomfortable de Red Emery. Mon objectif s’est élargi à la composition pour la télévision, le cinéma et la publicité, contribuant à divers projets et bandes sonores. 

RAC : Pourquoi bâtir votre propre entreprise? Est-ce que c’était l’objectif quand vous vous êtes lancé dans le monde de l’audio?

Martin : J’ai toujours été travailleur autonome dans ce domaine. J’ai rencontré mes collègues/amis/cofondateurs lors de mes études à l’UQAM en musique de film. Nos compétences dans différentes sphères de l’audio et de la musique étaient complémentaires, il était alors avantageux d’unir nos forces.

RAC : Quel est votre dada dans les différents services et rôles que vous prenez professionnellement?

Martin : Honnêtement, c’est comme demander à un parent quel est son enfant préféré! Chaque facette de mon métier a ses défis et ses avantages. Ce qui me pousse à me lever le matin (je suis très matinal, ce qui est peu habituel dans le milieu) peut être autant l’envie de perfectionner une composition, terminer un mix ou écouter et noter les travaux de mes étudiants. Toutes ces dimensions différentes me permettent d’être dans le feu de l’action, en contact avec des gens intéressants et d’exprimer ma créativité.

RAC : Vos créations dans les bibliothèques sonores varient en termes de genre musical: rock, pop, alternatif, électronique, orchestration, et même dubstep. Beaucoup de morceaux s’imbriquent dans un album, est-ce que vous les concevez avec cette idée en tête? 

Martin : Pour ce qui est de la musique de librairie, je vois vraiment chaque pièce comme un tout, un tableau. Comme s’il y avait déjà des images. Petite anecdote : un jour, au début des années 2010, je voulais faire une pièce de style punk/rock à la Green Day. Après avoir terminé le mix, j’ai demandé aux gens autour de moi si ça tenait la route et ils ont réagi positivement. J’ai donc mis la pièce en ligne. Il y a deux ans, en consultant mon relevé de la SOCAN, j’ai vu que la pièce en question avait été utilisée dans un documentaire de Green Day sur les ondes de MTV!

RAC : Comme vous créez beaucoup de contenu pour les bibliothèques de musique, qu’est ce que vous conseilleriez à des compositeurs qui souhaitent se lancer dans ce domaine? 

Martin : Il n’y a pas de secret, c’est en composant beaucoup! En étant attentif aux courants musicaux dans les médias visuels. Tendre l’oreille quand il y a une publicité, pendant une série ou un documentaire. Étant passionné, beaucoup de choses allument ma créativité donc j’aime me diversifier en termes de genres et styles musicaux. Le conseil que je peux donner aux compositeur.rice.s qui veulent emprunter cette voie c’est d’en faire le plus possible et de varier leurs productions. 

RAC : Comment êtes-vous arrivé à travailler avec des grandes boîtes comme The Food Network, Netflix, Hasbro, Captain Morgan, Discovery Channel?

Martin : C’est surtout par l’entremise des librairies musicales, qui sont d’excellentes vitrines en soi. Souvent, un client peut aimer ce que je fais mais a une idée ou une application précise en tête. Il entre donc en contact avec moi pour avoir de la musique sur mesure.

RAC : Vous êtes maintenant instructeur à RAC, quel est l’élément le plus important que vous voulez enseigner à vos élèves?

Martin : La persévérance, le travail bien fait, la ponctualité, le respect des consignes. Quand ils ont un travail à me remettre je les place toujours en situation réelle. J’ai ma phrase classique: « Vous allez me trouver fatiguant mais, pour ce travail, je ne suis pas votre prof, je suis votre client ». Être placé dans cette situation leur donne un avant-goût de ce qui les attend après la formation.

RAC : Vous faites des mix en binaural. Sachant que de nos jours, la demande est grandissante pour les mix en surround, quels sont les éléments primordiaux selon vous pour concevoir de bons mix surround ou binaural? 

Martin : Pour exploiter pleinement l’audio immersif avec des haut-parleurs (5.1, 7.1, Dolby Atmos, ambisonie), il est crucial de disposer d’installations équipées de matériel de haute qualité, soigneusement calibrées pour l’usage prévu. Concernant le binaural, l’usage d’écouteurs de qualité est essentiel, tout en étant conscient des limitations inhérentes à cette technique, notamment les angles morts. Lors du mixage binaural, si la diffusion est exclusivement au casque, le processus reste relativement simple. Cependant, lors d’une diffusion sur diverses plateformes ou lors d’une conversion du 5.1 ou 7.1 vers le binaural, une vigilance accrue est nécessaire pour assurer la présence intégrale des éléments du mix, évitant ainsi leur disparition dans les angles morts.

RAC : Vous avez fait des formations à Berkeley School of Music en Contemporary Techniques in Music Composition, Game Audio Production with Wwise et en Film Scoring 101. Comment ces expériences et apprentissages ont changé votre façon de travailler? 

Martin : Parfois quand on compose, on arrive à une certaine routine, on tourne parfois autour des mêmes éléments, des mêmes patterns créatifs. Créer autour des mêmes choses peut vraiment être contre-productif pour un artiste. Par contre, il y a une frontière entre la personnalité de l’artiste et ce que j’appelle « l’autophagie artistique ». C’est-à-dire que l’artiste entre dans une espèce de spirale où il se plagie lui-même. L’artiste s’auto influence et se nourrit de ce qu’il produit. Une bonne partie de sa production se ressemble sur plusieurs points et en voulant sortir de ce tourbillon, il se retrouve devant une page blanche. Le cours Contemporary Techniques in Music Composition m’a vraiment aidé à insuffler un vent de fraîcheur dans mon processus créatif en me donnant de nouveaux outils utilisés par plein de maîtres en la matière.

RAC : Sur quoi allez-vous mettre votre énergie en 2024? 

Martin : En plus de l’enseignement, de nombreux projets sont en cours de développement. J’aimerais travailler davantage dans le monde du jeu vidéo et tout ce qui touche à la musique interactive: les possibilités sont quasi infinies. Il semblerait que la vie m’oriente naturellement dans cette direction puisque j’ai récemment commencé à travailler comme compositeur et sound designer chez Squido Studio, une boîte innovante de jeux vidéo VR à Montréal.

Écrit par Caroline Boivin
Illustration par Holly Li