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Les artistes indépendants ne manquent pas d’obstacles à franchir avant de sortir de nouveaux projets. Les grands labels sont connus pour privilégier leurs intérêts plutôt que ceux de leurs talents, et l’autofinancement n’est tout simplement pas une réalité pour de nombreux musiciens et producteurs. 

Alors quel est le meilleur moyen de faire passer votre projet à la ligne d’arrivée ? Les subventions ! Si vous cherchez des fonds pour enregistrer un album, vous pouvez être sûr qu’il existe une subvention pour ça. Vous voulez partir en tournée ? Bonne nouvelle, il existe aussi des subventions pour ça. Certaines bourses permettent même de couvrir les frais de marketing et de promotion. Lorsque vous commencerez à faire des recherches, vous verrez que le nombre de subventions disponibles pour les artistes au Canada est assez impressionnant.

Les grandes subventions nationales, bien qu’elles puissent sembler intimidantes, peuvent s’avérer très fructueuses pour les musiciens si elles sont bien abordées. Le Conseil des arts du Canada, par exemple, est un premier choix pour de nombreux artistes. Il est également toujours bon de faire de la recherche sur ce qu’offrent FACTOR et la Fondation SOCAN. Certaines de leurs bourses de niveau supérieur peuvent être difficiles à obtenir, mais il y en a plus bas dans l’échelle qui sont beaucoup moins compétitives.

Il n’y a pas que les subventions nationales, il y en a aussi beaucoup au niveau provincial. Le Québec abrite le CALQ (Conseil des arts et des lettres du Québec), qui est une excellente aide pour les artistes basés dans la province. 

En Ontario, il y a Ontario Créatif, le Toronto Arts Council et le Conseil des arts de l’Ontario (CAO). Le CAO, bien qu’il propose un ensemble de bourses diversifié, offre aussi des subventions pour les projets de création musicale. Ces subventions varient entre 3 000 et 15 000 $,selon la liste des bourses pour 2020. Le site Web du CAO propose également un guide de survie pour les demandes de subvention, qui énumère toutes les choses à faire et à ne pas faire pour rédiger une demande, qui semblent être applicables à presque toutes les subventions.

Nous pourrions énumérer toutes les opportunités de soutien canadiennes offertes, mais il suffit de dire qu’il y en a beaucoup. Malheureusement, savoir qu’elles existent n’est qu’une petite pièce du puzzle. La clé, c’est d’être capable de rédiger une demande de subvention avec succès. Les guides de survie mis à part, il n’y a pas beaucoup d’informations sur les pièges de la rédaction d’une demande.

C’est pourquoi nous avons choisi de nous appuyer sur les connaissances expertes de Sarah Armiento, propriétaire de Hot Tramp Records et experte en subventions. Elle s’occupe non seulement de la rédaction des demandes de bourses pour son label, mais elle en écrit pour son travail de pigiste, et connaît donc parfaitement les subtilités des subventions liées à la musique.

« Il y a toujours un plan de subvention derrière chacune de nos sorties », dit Sarah. « Pour moi, cela signifie une bourse de création du CALQ, une autre du Conseil des Arts du Canada et une autre de FACTOR. Je fais les trois pour chaque lancement. La subvention CALQ est excellente pour l’étape initiale, la création d’un disque. Ensuite, le Conseil des Arts du Canada offre une subvention Du concept à la réalisation, qui aide à couvrir à la fois la réalisation d’un album et sa promotion, y compris tous les autres coûts qui l’accompagnent. Enfin, il y a la plus importante, la bourse de FACTOR nommé Juried Sound Recording (l’enregistrement sonore avec jury). Je n’ai jamais réussi à l’obtenir, mais je pose ma candidature quand même. »

Comme vous pouvez l’imaginer, la bourse JSR du Canada est très compétitive, mais d’un autre côté, elle vous donne droit à un paiement beaucoup plus important. C’est le Saint Graal des subventions musicales canadiennes, mais cela ne signifie pas que vous ne devez pas tenter votre chance. Si cela représente un engagement trop important, FACTOR offre également une bourse pour le développement des artistes (Artist Development ou AD en anglais). Bien qu’elles ne soient pas distribuées comme des t-shirts lors d’un match de baseball, elles constituent un objectif beaucoup plus facile à atteindre. La subvention AD vous permettra d’obtenir 2000 $, ce qui n’est pas négligeable, mais ne vous permettra pas non plus d’obtenir une sortie physique comme sur un vinyle.

Supposons donc que vous souhaitiez demander une subvention, ou plusieurs simultanément, comme le conseille Sarah, l’aspect le plus important sur lequel vous devrez vous pencher est la capacité à vous vendre en tant qu’artiste.

« C’est comme un grand discours de vente », explique Sarah. « Expliquez le sujet de votre album, son inspiration, un texte créatif parlant de l’album – tous provenant de l’artiste. Si un organisme de subvention va vous donner de l’argent, il veut que l’album ait un niveau de succès. » 

Évidemment, les différentes subventions vous demanderont de vous concentrer sur différents aspects de votre projet. Par exemple, des organismes comme le CALQ et le Conseil des arts du Canada ont des questions plus axées sur la créativité : ils veulent savoir comment vous avez grandi en tant qu’artiste, comment votre son a changé, de quelle manière votre art a évolué avec cette sortie, etc. Alors qu’avec FACTOR, en particulier pour le JSR, une grande partie de la demande concerne l’équipe que vous avez derrière vous, votre stratégie marketing, les objectifs que vous allez essayer d’atteindre pour les listes de lecture, et la presse. Il s’agit vraiment de créer un pitch deck vendable – c’est vous qui dites essentiellement « cet album va bien marcher parce que nous avons mis en place ce plan spécifique pour le promouvoir ».

Pourtant, quelles que soient les différentes exigences de ces subventions, il y a une chose qu’elles recherchent toutes : la spécificité. « Je pense que les personnes chargées d’évaluer ces subventions reçoivent probablement beaucoup de demandes de type communiqué de presse qui disent : « Je veux un plan marketing, je veux que mon album soit sur Pitchfork » ou quelque chose comme ça, et ils roulent probablement les yeux, » dit Sarah. 

« Soyez précis avec vos objectifs. Dites quelque chose comme : « Je veux que cet album soit joué sur telle station de radio, pour pouvoir faire telle tournée, etc. ». Soyez vraiment précis avec vos objectifs et vos cibles. Donnez l’impression que vous y avez beaucoup réfléchi, car il est facile de rédiger un système d’objectifs très vague. En revanche, s’ils voient que vous avez réfléchi à ce que vous feriez s’ils vous donnaient cet argent, cela sera d’une grande aide pour votre candidature. Vous devez également être réaliste avec votre budget. Tout cela revient à avoir un plan concis autour du déploiement de ce projet, et à vraiment leur faire croire qu’il est réellement possible pour cet artiste de faire ce qu’il propose. »

Si vous pensez toujours que les subventions sont intimidantes, nous pouvons vous garantir que vous n’êtes pas seul.e. Le truc avec les subventions, c’est qu’une fois qu’on s’y met, c’est de plus en plus facile. Bien sûr, il y a ceux qui se prennent pour les gardiens de l’industrie, mais tout le monde peut mettre le pied dans la porte, qu’ils le sachent ou non. 

« Je pense que tout le monde peut rédiger des subventions, mais il faut absolument avoir le sens du détail », affirme Sarah. « Si je regarde les premières subventions que j’ai écrites, elles étaient terribles. Ce n’est qu’avec la pratique que l’on s’améliore. Une fois que vous avez obtenu cette première bourse, vous avez une sorte de formule qui se forme. Ensuite, vous construisez sur ce succès initial. Je pense que plus vous vous améliorez, moins cela prendra de temps. Mais je tiens à préciser, cela prend du temps. »

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Lorsque vous vous lancez dans votre première tentative d’écriture de subventions, n’attendez-vous pas à des résultats immédiats. Il est tout à fait possible que vous ne réussissiez pas, mais cela ne veut pas dire que c’est une perte de temps. En fait, c’est bénéfique pour votre carrière musicale, que vous en soyez conscient ou non. « Beaucoup de questions posées sur les formulaires de bourses sont des choses auxquelles les artistes plus récents devraient penser de toute façon, des choses auxquelles ils n’auraient peut-être pas pensé s’ils n’étaient pas en train de rédiger la subvention » explique Sarah. « Je veux dire, vous devriez vraiment avoir un plan de marketing, et vous devriez réfléchir à vos cibles et à vos objectifs. Cela vous pousse également à réfléchir à ces aspects très importants de votre carrière dans ce domaine. C’est fastidieux, mais cela peut vous aider même si vous n’obtenez pas la bourse. Au moins, vous aurez un semblant de plan en place pour l’avenir. »


Si vous voulez être prêt.e, il est important de noter que la plupart des subventions ont une date limite au printemps et à l’automne de chaque année. Le site de la Canadian Independent Music Association (L’association canadienne de la musique indépendante) en propose une liste assez complète. C’est aussi un bon endroit pour voir quelles bourses sont disponibles à travers le Canada. Si vous avez une carte de bibliothèque et que vous vivez dans la région de Toronto, vous pouvez également accéder à des subventions de toutes sortes par le biais de la page Grant Connect (connexion aux bourses). Le Canada est un excellent pays pour les artistes ; il vous suffit de savoir où chercher de l’aide et de commencer à écrire. 

Graphique créé par Tyrus Facey

Texte écrit par Daryl Keating

Texte traduit par Ania Szneps

Illustration par Yihong Guo